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Concerts

Jean-Louis Murat à la salle Paul Fort avec le lieu unique, Nantes, le 20/10/13

Depuis une éternité, on entend dire ici et là que Jean-Louis Murat n’a pas le succès qu’il mérite, qu’il ne vend pas assez de disques, qu’il donne régulièrement des concerts devant des publics clairsemés. Lui-même, avec sa mauvaise foi légendaire, entretient le mythe du beautiful loser… Eh bien, Murat joue deux jours de suite à Nantes et la salle Paul Fort qui l’accueille – en coproduction avec le lieu unique où l’on a pu visionner un docu sur le chanteur signé Laetitia Masson dans l’après-midi (photo) – est pleine ou presque. Cela fait plaisir à voir.

L’équipement sur scène est sommaire, réduit à l’essentiel : une Telecaster branchée sur un ampli vintage fait face à une batterie rutilante. Un duo guitare-batterie, voilà quelque chose de pas banal pour un artiste qui a rarement osé tant de dépouillement sur disque. Murat se la jouerait-il White Stripes ? Dès le premier morceau, « Fort Alamo », issu de l’excellent et très électronique « Dolores » (1996), on comprend que Murat se la joue surtout Neil Young versant électrique – et on ne lui reprochera pas. Cette guitare bluesy, au son sale, soutenue par la frappe sèche et sûre du batteur Stephane Raynaud rappelle le rock sombre, lent et lourd de « Zuma » (1975), bel album un peu oublié du Canadien.

En quinze titres et une bonne heure trente de concert, Murat nous balade le long de sa discographie dense et protéiforme en nous cuisinant l’ensemble avec son blues-rock rocailleux – à la sauce « Zuma », quoi – et la démonstration est convaincante. « La Louve », chanson originellement quasi-funk et bien propre sur elle, tirée de son deuxième album (« Passions Privées », 1986) se transforme en blues organique lascif. Même traitement pour les initialement très synthétiques « Si je Devais Manquer de Toi » (« Cheyenne Autumn », 1989) et « Fort Alamo » (« Dolores », donc).

Derrière ses lunettes de soleil noires, assis nonchalamment sur un tabouret de bar, peu bavard – un « bonjour », quelques « merci » tout juste marmonnés – Murat se la joue aussi Dylan circa 1966 dans l’attitude. Un truc à la fois agaçant et diablement élégant donc. Mais il n’a pas besoin d’en faire beaucoup plus, en fait. La superbe scénographie se suffit à elle-même : les films projetés sur les écrans en fond et côtés de scène complètent à merveille le statisme austère des musiciens. Les images de fleuve, de végétation, de pierres, mais aussi d’enfants dans une cour de récré ou de silhouettes anonymes, à l’esthétique heureusement plus arty que clipesque sont parfaites et assez abstraites pour laisser libre cours à l’imagination des spectateurs.

Et puis, en fin de concert, le masque tombe. On s’en doutait un peu et on le vérifie ce soir, après tout, Jean-Louis est un chic type. Comme ça, d’un coup, des blagues fusent avant le rappel final : des histoire potaches de pisse de montagnard (sic), de Bérégovoy et d’aéroport qu’on imagine improvisées pour de vrai. Et surtout, au-delà de ce caractère ouvertement lunatique – passer de la froideur fière d’une rock star à la bonhomie d’un collègue de comptoir en moins de cinq minutes, il faut le faire – il y a les chansons. Quelques vieilleries radicalement revisitées, on l’a dit, mais aussi des titres plus récents issus de « Grand Lièvre » (2011) et de « Toboggan » (2013), qui gagnent en intensité dans leurs interprétations live. Et enfin, une flopée de nouveautés prometteuses : la délicieuse petite ritournelle « Le Pont Mirabeau » et les épiques « Loï en – 14 » et « Michigan » où Murat et son batteur, à eux deux, rivalisent de sauvagerie avec le Crazy Horse de Neil Young au grand complet.

Après 30 ans de carrière, il semble que l’Auvergnat ait toujours des choses à dire et qu’il n’hésite pas à radicaliser encore son propos – et c’est tant mieux. Il y a une décennie déjà, dans le morceau « Ceux de Mycènes », parfaitement interprété ce soir, le troubadour, qui n’a jamais cessé de chanter l’amour sous toutes ses formes (doux, charnel, indompté) nous avait pourtant prévenus, avec ce constant franc parlé qui est le sien : « Je mets le monde au défi, non je ne rendrai pas la femelle ».

 

Setlist :

Fort Alamo
Sans Pitié Pour le Cheval
Il Neige
Le Champion Espagnol
Agnus Dei Babe
Passé Le Pont Mirabeau (inédit)
Loï en – 14 (inédit)
Si je Devais Manquer de Toi
La Louve
Ginette Ramade
Extraordinaire Voodoo
Ceux de Mycènes

L’eau de la rivière (inédit)
Amour n’est Pas Querelle
Michigan (inédit)

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