Le premier album de London Grammar serait celui de la révélation de cette rentrée, présenté par ses défenseurs comme un juste précipité de pop anglaise, fiévreuse, ultra mélodique et post-adolescente. La recette : un nom de groupe prometteur, la témérité de sa jeunesse (22 ans de moyenne d’âge), le charme et la voix de sa chanteuse, des couches électro qui viennent renforcer quelques compositions accrocheuses. A part ça, peu de choses. Une vraie déception. Certes, il y a bien « Wasting my young years » et son crescendo efficace, un « Sights » ou un « Interlude » sur lesquels l’électronique n’a plus son mot à dire et où, enfin, il se passe quelque chose d’authentique. On trouve bien ça et là quelques idées, ici un piano esquissant une rupture, là un effet vocal plus tranchant. Mais c’est peu, bien peu au regard de l’attention médiatique dont profite le groupe. Et puis il y a les autres titres, comme « Strong » ou « Metal and Dust », aux refrains taillés pour la bande FM, difficilement supportables.
Sur l’ensemble du disque le manque de relief de la production s’avère criant, et, plus encore, les compositions semblent se répéter comme une suite d’exercices dénués d’à propos, et de vie, tout simplement. La voix s’emporte dans des schémas trop démonstratifs, les sentiments forcés n’arrivent pas vraiment à émouvoir. On aurait aimé moins d’évidences et plus de mystère. Cela s’appelle le talent ou la grâce.
Laissons alors à certains l’envie de comparer le jeune groupe de Nottingham à certains de ses aînés – de Goldfrapp à Archive, jusqu’à Portishead (on croit rêver !)-. D’une certaine manière, comme Lana Del Rey, Woodkid et quelques autres, London Grammar illustre ce brouillage des valeurs, cette porosité des genres, entre le rock indépendant et une culture mainstream, qui recycle et récupère à son compte les formules les plus évidentes d’une certaine pop, en oubliant l’essentiel, l’âme et les mélodies. Plus profondément il peut nous faire nous interroger sur la valeur accordée à l’immense majorité de la production musicale, à l’aune des nouvelles technologies. London Grammar, vite consommé et encore plus vite sorti de notre mémoire. Au fait, un autre groupe anglais porté par sa chanteuse, a sorti un grand disque il y a quelques mois, vaporeux et brillant, sur le mythique label 4AD, il s’appelle Daughter. Il semble, lui, se bonifier avec le temps.