Nous avons depuis longtemps renoncé à tenter de convaincre ceux pour qui les Manic Street Preachers représentent tout ce qu’il y a de moins recommandable dans le rock britannique. Ceux-là n’auront d’ailleurs probablement même pas connaissance de l’existence de cette onzième livraison de la formation galloise. Ce n’est pas une raison pour ne pas nous attarder un moment sur cet album qui met fin à une série de disques plutôt moyens, le dernier vrai temps fort dans le parcours du trio remontant déjà à une petite décennie (avec le très convenable “Lifeblood”, en 2004). Alors pourquoi donc accorder à nouveau notre confiance à James Dean Bradfield et sa bande ? Tout simplement parce que, sans être totalement parfait, “Rewind the Film” contient quelques unes des plus belles créations du groupe depuis des lustres : le single “Show Me The Wonder” qui relance enfin la machine à tubes avec ses cuivres pétillants, le bien nommé “Anthem For a Lost Cause” (du Manic pur jus, soutenu par un refrain lyrique à souhait) ou encore un surprenant “(I Miss the) Tokyo Skyline” porteur d’ambitions nouvelles. D’une façon plus générale, “Rewind the Film” est une réussite dans la mesure où il parvient à renouveler en douceur une formule éprouvée, faisant le choix opportun d’une instrumentation largement acoustique. Exit donc les solos bavards et autres débordements héroïques qui ont souvent fait fuir y compris les oreilles les plus endurantes, au profit d’une sobriété particulièrement bien sentie. L’autre bonne idée des Gallois sur ce coup-là est d’avoir réuni un casting de voix amies pour partager quelques unes de leurs nouvelles compositions. La chanteuse Lucy Rose promène ainsi son timbre aérien sur “This Sullen Welsh Heart” en ouverture, avant que leur compatriote Cate Le Bon ne lui grille la priorité sur “4 Lonely Roads”. Dernier invité, et non des moindres, le grand Richard Hawley fait comme à son habitude très forte impression. Invité à partager le micro, le crooner de Sheffield irradie la chanson-titre de sa classe naturelle et se pose en écho idéal au chant plaintif caractéristique de Bradfield. Le résultat est à la hauteur de l’espoir suscité par cette rencontre au sommet et restera aussi certainement comme l’un des plus beaux singles de la carrière des Manic Street Preachers.
Le webzine de la pop