Le festival a connu son record d’affluence cette année avec plus de 118 000 spectateurs sur trois jours. Entre des gros noms ronflants, quelques jeunes pousses prometteuses et l’obligation de faire parfois des choix difficiles, le festival a globalement tenu ses promesses, et même la pluie (ou plutôt la boue) n’a pas réussi à doucher l’enthousiasme du public.
(M.C.) Le temps de prendre mes marques et de rejoindre mes amis, il est déjà l’heure de trancher : exit Savages, et direction la grande scène, et même le premier rang, pour Belle and Sebastian. Il fait beau, chaud, et la sécurité l’a bien compris en servant de l’eau (forcément…) aux premiers rangs, qui menacent de virer écrevisse sous le soleil. Cette chaleur n’a pas l’air de déranger Stuart Murdoch, qui arrive avec un blouson… qu’il enlèvera vite. Affûté et volontiers dandy, il semble au parfait diapason d’un public sensible à cette pop irréprochable que le groupe propose depuis des années. Impossible de ne pas sourire, de ne pas danser ou chantonner sur “I’m a Cuckoo”, “Le Bastie de la Bourgeoisie” ou “I Want the World to Stop”, enluminés comme il se doit par cordes et cuivres. Le beau temps et le début de festival ajoutent au caractère euphorisant de la prestation, qui ne baisse même pas d’intensité sur “We Are the Sleepyheads”, avant que “The Boy With the Arab Strap” ne pousse à un envahissement de scène des plus sympathique et bon enfant. Il est temps de se quitter après le final “Judy and the Dream of Horses”, avec cette sensation d’un début idéal, mais aussi trop bref (une constante à Rock en Seine).
(V.A.) J’étais content de revoir Belle and Sebastian, ça faisait longtemps. Deux jours avant ses 45 ans (si j’en crois Wikipedia), Stuart Murdoch tenait une forme éblouissante. Bon, c’est sûr qu’on ne l’imagine pas trop s’abandonner à des excès rock’n’roll…Sur scène non plus d’ailleurs, mais le concert était quand même plutôt énergique, et riche, avec cordes, cuivres… et les spectateurs des premiers rangs invités à venir danser sur scène. La playlist mélangeait de vieux classiques comme le superbe “The Boy with the Arab Strap” et des morceaux plus anecdotiques mais efficaces (“Legal Man”). J’aurais bien repris du rab. J’ai enchaîné avec Daughter, mais de loin et en plein jour, ça perd quand même beaucoup de son intérêt.
(M.C.) Le temps me manquait pour arriver dans de bonnes conditions pour Daughter, et ne pas rater plus de la moitié du set. Du coup, avec l’aide de mes amis Fabrice et Perrine, direction le premier rang pour Johnny Marr.
L’Anglais a du mal à déplacer les foules, alors qu’il ne joue “que” devant la scène de l’industrie (Tame Impala occupant la grande scène, tout s’explique). Ce n’est pas une raison pour bouder mon plaisir, pas plus que Johnny ne semble bouder le sien. Entre guitar-hero et romantique indécrotable (le coup de la rose dans la bouche…), l’ex-Smiths s’amuse bien et ne se prive pas de le montrer. Ex-Smiths : le qualificatif est important, surtout au vu de la setlist, qui permet d’entendre 4 titres du groupe (“How Soon Is Now”, “Bigmouth Strikes Again”, “Stop Me If You Think You’ve Heard This Before” et le final “There Is A Light That Never Goes Out”, qui même moins bien chantée que par le Moz, reste une chanson parfaite pour clôturer). Mais “New Town Velocity”, single du dernier album de l’Anglais, ne jure pas le moins du monde dans ce set compact, mélodique et somme toute assez rock. “Fookin’ great”, comme a dit mon collègue sur Facebook, tant et si bien que je lui laisse la “parole”.
(V.A.) Pas grand-chose à ajouter, d’autant que je n’ai pas vu le début. Heureusement, il a surtout joué des titres des Smiths à la fin… J’étais en tout cas content d’entendre en live l’un des meilleurs guitaristes de sa génération. Après un détour par la scène Pression Live où Balthazar remplace au pied levé DIIV (on n’y perd pas forcément au change, les Belges sont toujours aussi convaincants en live), j’arrive en avance scène de l’Industrie histoire d’être bien placé pour les Pastels. Précaution superflue, le public, essentiellement composé de nostalgiques de l’indie pop des années 80, étant assez clairsemé. Même si les organisateurs ne l’ont sans doute pas fait exprès, c’est cruel de les avoir programmés en même temps que Franz Ferdinand, et ce, à double titre. D’abord, parce que ces derniers sont évidemment plus connus et attirent spontanément beaucoup plus de monde, aux dépens des premiers. Ensuite, parce que les deux groupes sont écossais et que les uns apparaissent comme des winners et les autres, comme d’éternels (et beautiful) losers. Bon, en fait, c’est légèrement plus compliqué : les Franz se sont un peu ramassés avec leur troisième album (un cap traditionnellement difficile) et ont été à deux doigts de splitter, tandis que les Pastels, à force de rareté et d’absence, ont acquis un statut quasi mythique. Mais au décibélomètre, le match était joué d’avance : dès que les Pastels terminaient un morceau, la sono implacable de la bande à Kapranos venait recouvrir le silence. Et Stephen, dans un sourire contrit, d’expliquer que ce sont des amis, mais qu’ils pourraient jouer un peu moins fort… Le concert (avec Gerard Love de Teenage Fanclub à la basse) était en tout cas fidèle à ce qu’on pouvait en attendre : pas forcément exceptionnel dans l’interprétation (les voix sont toujours à la limite de la justesse), mais indénibalement touchant. La setlist revisitait la longue carrière du groupe, avec des merveilles comme “Thru Your Heart” ou “Different Drum”, la reprise de Mike Nesmith, et pour terminer, deux chefs-d’œuvre, “Nothing to Be Done” (première fois que je l’entendais live) et “Baby Honey”. Un beau moment, donc. J’ai quand même pu voir (de loin) la fin du set des autres Ecossais : ultra efficace, mais, comme sur disque, je crois que je préfère la fragilité et l’imperfection des Pastels.
Ensuite, je suis allé écouter par curiosité la nouvelle star du rap US Kendrick Lamar sur la scène de la Cascade, et j’ai été conquis, comme le reste du public. Malheureusement, après une vingtaine de minutes de concert, le son de son micro a brutalement été coupé, ce dont il ne s’est pas aperçu tout de suite (j’imagine que ses retours continuaient à fonctionner correctement). L’interruption durant un peu, j’ai déclaré forfait. A revoir, donc. Pour Hanni El Khatib, je te laisse le clavier, Mike.
(M.C.) Je ne suis pas forcément un grand fan de l’Américano-Egyptien, mais cette prestation m’a quelque peu réconcilié. Loin de moi l’idée de mettre un poster du musicien dans ma chambre, mais cela me semble mieux tourné qu’il y a quelques mois au Krakatoa (Bordeaux). Plus de souplesse, toujours une belle puissance qui s’exprime parfois, mais je n’accroche hélas pas plus que ça aux chansons. Il est temps pour moi de plier bagage…Vincent, tu as été apparemment plus enthousiaste : “Sec, net, sans gras. Des chansons pas toutes inoubliables, mais toujours interprétées avec conviction. J’ai quand même du mal à croire qu’il a fait récemment la première partie de Johnny à Bercy, il a dû griller quelques Sonotone.”