Le rap est le nouveau rock’n’roll. Mieux, il a été le nouveau rock’n’roll infiniment plus longtemps que le rock’n’roll lui-même. Il l’est depuis la fin des années 80, au moins. Et ça continue aujourd’hui encore, plus que jamais. Car soyons franc : quel autre genre musical est capable de nous proposer de nos jours un Gunplay ? Un type qui s’est trouvé empêtré dans une sombre affaire d’agression armée et qui, une fois relâché, et seulement parce que sa victime a refusé de donner suite (il n’y a aucun doute sur la véracité des faits), sort une mixtape qu’il intitule effrontément « acquitté », claironnant fièrement sa passion pour les armes et pour les drogues. Un rappeur qui, en plus de ses frasques et de tout ce tintamarre, se montre immensément charismatique et musicalement bon. Tellement bon.
Gunplay, donc, est crâne, son insolence est classe. Sa première mixtape après ses ennuis judiciaires embraye d’emblée par des extraits radio mentionnant ses récents problèmes avec la loi (« Intro »), il enchaîne avec un titre où il affirme sa nature de paria (« Salute Me »), et il dédie ensuite deux titres à la drogue, le redoutable « D.O.P.E. » avec ses complices de Triple C, puis « Cocaina (Que Linda) », un autre aux armes et à la violence (« Drop Da Tint »), un autre au fric et aux signes extérieurs de richesse (« Been Did It »), un autre encore aux strip-teaseuses (« Topside »). Prend ça dans la face, le fan timoré de rap responsable et propre sur lui. Et si tout cela n’était question que de thèmes et d’attitude… Mais non, ça va au-delà.
Peu importent les paroles ; habitée par la voix éraillée du rappeur, cette mixtape est, toute imparfaite qu’elle soit (les chants de « Cocaina » sont quand même très moches, et le cloud rap suave de « Get Like Me » est ennuyeux), musicalement jouissive. « D.O.P.E. » est un pur tube de trap rap, offensif et uptempo à souhait. L’électronique bizarre de « Been Did It » en fait un titre idéal pour les clubs. Et la mixtape se termine par trois plages parfaites : le « Topside » susmentionné, où Gunplay est accompagné par Young Scooter, autre homme en forme du moment ; dans un style enlevé assez proche, « Pyrex » ; et surtout, le génial « Bible on the Dash », déjà sorti en 2012, peut-être le titre le plus emblématique de Gunplay.
Voilà donc. Le Floridien n’a même pas sorti son album officiel chez Def Jam, qu’il a déjà proposé une fournée de mixtapes qui valent l’œuvre entière d’artistes plus reconnus que lui. Honnêtement, avec quelle autre musique une telle abondance, une telle facilité, seraient-elles possibles aujourd’hui ? Quel genre, en 2013, se montre donc à ce point prolifique, pertinent, excitant, bouillant, d’actualité ? Bref, vivant ? Réponse : le rap, rien que le rap. Et Gunplay y est pour beaucoup.