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Disques

These New Puritans – Field of Reeds

These New Puritans - Field of Reeds

Certaines aventures musicales coûtent cher à leurs auteurs lorsque ceux-ci tournent le dos au succès promis et s’affranchissent des lois du marché. Les carrières de Scott Walker, Brian Eno ou Talk Talk, pour ne citer qu’eux, auraient pu ainsi suivre des chemins bien différents si les formules éprouvées l’avaient emporté sur l’expérimentation ou la quête du silence. Tout un pan du rock britannique, depuis presque quatre décennies, peut être ramené à cette réalité insistante : certains de ses musiciens les plus aventureux, inconscients ou visionnaires, doivent, pour produire leurs œuvres les plus fortes, se retirer du monde et entamer un dialogue désormais ininterrompu avec leurs instruments. Puiser en soi d’improbables énergies, se saisir de toutes sortes de matières musicales, à la manière de sculpteurs, pour se définir pleinement. Une alchimie qui pour ceux-là tient tout à la fois d’une intense activité cérébrale que d’une approche physique, sensible de la musique.

Comme certains de ses illustres aînés, These New Puritans a franchi ce seuil de sa (courte) existence, où plus rien ne saura être comme avant. Sur « Field of Reeds », son troisième album, les schémas sont faits pour être déconstruits, certains morceaux se décomposant en séquences, abrasives pour certaines ou plus ténues et au bord de l’immatériel pour d’autres (« The Way I Do » et « Nothing Else », en écho aux sommets passés du groupe de Mark Hollis). C’est un disque enchâssé, puissamment addictif (« V, Island Song »), capable de tous les excès, qui ne répond qu’à sa propre logique interne, doux lorsqu’un piano ou un basson se font économes, extrêmement tendu lorsqu’une trompette en sourdine se fait hurlante et ne sait plus s’arrêter ou que les voix se superposent pour se distordre. En témoigne à lui seul le dernier et morceau-titre qui nous fait passer du cauchemar à l’apaisement lumineux, comme dans les rêves éveillés chers à David Lynch. Un incroyable final qui semble définir l’idiome que These New Puritans s’est choisi : la liberté s’éprouve dans les moments les plus contradictoires, pour être pleinement acquise.

 

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