C’est un fruit merveilleux ; un fruit aux parfums subtils et intenses. Sur le grand arbre du rock, on aurait pu croire que rien ne pousserait à partir de cette branche maigre et un peu biscornue qui avait surgi au début des années 90. Et puis, petit à petit, des bourgeons, des fleurs extraordinaires – c’est le propre de cet arbre : chaque fleur est unique. Des bourgeons donc et puis des fruits, d’abord un peu faméliques (bien que d’un goût déjà fabuleux), mais qui n’ont pas tardé à prendre des formes généreuses avant de disparaître d’un coup, subitement, de manière tout à fait inattendue et, pour tout dire, tragique. Abreuvés à la sève du rock et du folk américain, les fruits s’appelaient Elliott Smith, Grandaddy ou Sparklehorse et leur goût est toujours là, puissant et un peu amer, sur nos lèvres.
Sans aucun doute, Garciaphone a fait éclore son bourgeon sur la même branche : un peu plus loin, un peu plus récemment. Avec des guitares qui savent bercer et gronder, des mélodies qui caressent et des harmonies qui trouvent leur source chez les Beach Boys ou les Beatles. Des saveurs douces et amères que l’on retrouve lorsque l’on goûte à la chair de cet impeccable « Constancia » – la pop sucrée-salée du magnifique « Lukoie » ou des titres qui empruntent sans calculs à près de 60 ans de rock (« Pt. Cabrillo », « Tornadoes », …). Dans la lignée de ses formidables aînés, « Constancia » dose avec grand talent guitares acoustiques et électriques, énergie et mélancolie, forme pop et discrètes expérimentations. Avec une sincérité qui en fait assurément un fruit merveilleux.