Derrière House of Wolves se cache en réalité le songwriter et multi-instrumentiste de Los Angeles Rey Villalobos, ancien leader du groupe The Coral Sea. Le chemin fut très long jusqu’à ce que ce premier album de son projet solo, disponible en ligne depuis l’été 2011 et jusqu’ici cantonné à une diffusion pour le moins confidentielle, atteigne enfin les bacs à disques du Vieux Continent (aux bons soins de l’inestimable label Fargo). Mais peu importe, au fond, de savoir si « Fold in the Wind » est daté de 2013, de 2011 ou même des années 70 : les chansons de Villalobos ne sont pas de celles qui cherchent à coller à tout prix à l’air du temps. Ce qui les habite, c’est une mélancolie un peu hors du temps, un bourdon lancinant susceptible de faire irruption quelle que soit l’époque. Mark Linkous (Sparklehorse), Low ou Elliott Smith hier, A.A.Bondy ou House of Wolves aujourd’hui : le spleen s’insinue donc encore et toujours dans le pop-folk américain et il constitue une fois de plus la matrice d’un disque sans doute appelé à quitter fréquemment les étagères de nos discothèques pour rejoindre la platine. House of Wolves partage avec les artistes cités plus haut un don certain pour une écriture certes attirée par la lumière (« Roses in the Nordic Countries », « There She Goes ») mais aussi constamment cernée par le vague à l’âme (« Follow Me », la nostalgie des « 50’s » en ouverture majestueuse…). Guitare acoustique, piano, percussions aériennes : ici, l’habillage est léger, mais il suffit amplement à installer titre après titre une ambiance à la fois rêveuse et sensible (parfaitement résumée sur la poignante « Acres of Fire », soutenue par un hypnotisant motif de piano). S’il faut quelques écoutes attentives pour mettre de côté l’impression initiale d’avoir affaire à une énième copie carbone des grands dépressifs de la six-cordes américaine, on se surprend pourtant à vouloir revivre de plus en plus souvent ces quelques trente-six minutes dangereusement addictives. Sans renouveler totalement un genre dont on peut considérer qu’il a plutôt eu tendance à s’essouffler -voire à bégayer sérieusement- au cours des dernières saisons, House of Wolves parvient cependant à toucher du doigt une émotion profonde dont la sincérité est plutôt rare de nos jours. On terminera donc en invitant l’auditeur indécis à franchir sans tarder le seuil de cette House of Wolves. Bien penser, toutefois, à prendre quelques précautions : derrière des abords paisibles et accueillants, cette jolie demeure est manifestement hantée.
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