J’ai mis du temps à rentrer dans le touffu second album de Trevor Powers, comme lui-même prend d’ailleurs le temps de s’aventurer, à pas prudents, avec « Through Mind and Back », comme une prise de respiration avant le grand saut. Peut-être aussi est-ce pour traduire le dégel qui le pénètre, après « Year of Hibernation » (son premier essai plutôt porté sur la miniature angoissée) et qui semble avoir quelque peu libéré son esprit. Lequel ne tarde pas à aller voir vers de nouveaux horizons, plus larges, même s’ils restent encore hantés de tous ses démons. Une espèce de grand et étrange voyage intérieur, en quelque sorte. Ainsi, et paradoxalement si l’on se fie au titre, c’est « Mute » qui vous traverse, puissante et fascinante, et à la fois vaguement inquiétante, ses accents psychédéliques lui conférant l’allure d’un géant un peu bancal. Sans toujours rechercher autant d’ampleur, c’est cette alternance de souffle et de liberté rêveuse et anxieuse qu’on retrouve ensuite en principal fil rouge. Même si « Attic Doctor » prend des atours plus bariolés, (mais pas folichons pour autant), ou si « The Bath » choisit de laisser l’intensité à l’état de bourgeon, pour un résultat qui n’en est pas moins troublant.
Sur la base de cette nouvelle « direction », si on peut dire, Trevor Powers alterne différentes variantes, sans jamais oublier d’écrire de véritables chansons. « Raspberry Cane et surtout « Pelican Man » finissent par lorgner ostensiblement vers un surréalisme épique digne du « Walrus » des Fab Four. « Third Dystopia » jette au vent une mélodie fragile dont il a le secret, avant qu’elle ne se transforme en un torrent d’émotion, qui fait se demander quelle vision douloureuse il a ainsi pu croiser. A l’inverse, « Dropla », une des pièces maîtresses du disque, ferait presque passer une bouffée plus optimiste, déclamant « You’ll never die » à l’envi. « Daisyphobia » permettra ensuite de finir en flottant, comme apaisé, du moins presque…
Une fois de plus, Youth Lagoon laisse vagabonder son âme endolorie, mais cette fois-ci, c’est lorsqu’elle s’élève et prend tout l’espace qu’il se sent encore le mieux, et nous avec.