Je n’ai rien contre le rock français…En revanche, j’ai toujours eu quelques réticences à l’égard du rock chanté en français. A quelques rares et belles exceptions près (Diabologum, Mendelson, Tue-Loup…), j’ai toujours pensé que notre langue n’était pas exactement soluble dans la sueur et l’électricité. Pourtant, par fidélité envers des musiciens respectés et déjà croisés en d’autres occasions (chez Hurleurs ou bien encore chez Sloy), je me suis décidé à prendre le temps de découvrir et d’apprivoiser le tranchant « Ostinato », deuxième long format (tout en français, donc) de Versari. J’ai immédiatement été séduit par une musique au pedigree idéal, transpirant une classe naturelle : un post-punk remarquablement tendu et monochrome, porté par cette fameuse énergie du désespoir dont Joy Division (le groupe reprenait d’ailleurs « Atmosphere » sur son précédent disque) ou Gang of Four ont extrait en leur temps un carburant envenimé. Avec « Ostinato », parfaitement réalisé par Adrian Utley de Portishead, Jean-Charles Versari et ses deux camarades (Cyril Bilbeaud et Laureline Prud’homme) font pourtant beaucoup mieux que raviver une énième fois ce bon vieux souvenir cold-wave tant de fois maltraité par d’autres depuis quelques années. Si le trio parvient, à l’inverse de bon nombre de ses concurrents, à se hisser au niveau de ses modèles, c’est aussi parce qu’il possède comme ces derniers le don d’écrire des chansons dont la noirceur paraît indissociable du contexte contemporain. Le pessimisme ambiant, tout juste chamboulé ici par quelques trouées irradiantes (le bien nommé « Hymne » et le lumineux « Le Courant », soit deux des plus beaux tubes potentiels de l’année ?), l’élégant Versari parvient à le traduire dans un grand disque habité, aux allures de manifeste rock pour temps de crise. Beaucoup des albums rock les plus marquants sont aussi ceux qui parviennent à retranscrire assez fidèlement l’atmosphère de l’époque dans laquelle ils ont été créés. Cet « Ostinato » entêtant, possible bande-son tourmentée d’un printemps 2013 qui ne l’est pas moins, ne déroge pas à la règle.
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