C’était un soir de novembre que Mesparrow m’est pour la première fois apparue. Rien de mystique non : elle faisait ce soir-là la première partie de Mansfield.TYA. S’il est difficile de trouver la moindre filiation entre les deux artistes, elle avait su piquer ma curiosité. Quelques mois passent, un EP paraît : l’envie me vient d’entendre l’univers de Mesparrow en grand format.
Premier constat : cette jeune femme, Marion Gaume, a des idées plein la tête. Mais aussi une rigueur pour faire tenir tout ça de façon harmonieuse. En ces temps où le mot « rigueur » fait un peu froid dans le dos, il trouve tout son sens : au travers des différents styles abordés, et en étant toute seule aux commandes de son bateau, Mesparrow aurait pu s’égarer, mais ce n’est jamais le cas. Bien au contraire : il se dégage de ces treize titres une belle cohérence, une générosité réelle qui s’exprime avec beaucoup de sensibilité. Pour cela, la jeune femme ne manque pas d’armes. Il y a tout d’abord sa voix, qui passe d’un registre à l’autre avec beaucoup de facilité : profonde, aussi grave qu’elle sait se montrer mutine, la voix de Mesparrow lui permet toutes les audaces, des montées qui flanquent des frissons à une façon de susurrer irrésistible. Puis vient la construction des morceaux : élaborées à base de collages, de superpositions, les chansons se montrent à la fois riches et légères, et surtout sans répétition aucune.
Amorcé sur un « The Symphony » splendide, qui se déploie magnifiquement et mérite son titre, le disque part dans plusieurs directions, parfois une pop espiègle (« I Don’t Want to Grow Up », « Neighbour’s Dream »), parfois une énergie rock (déjà entrevue sur l’EP avec « Next Bored Generation » et « On the Cliff », qui a en lui du blues). Cette énergie, elle est toujours présente, comme si Mesparrow ne trouvait jamais le repos, elle qui a si souvent l’ardeur d’une cavalière furieuse (« City on Fire », « I Want to Travel »). Et l’émotion surgit quand on ne l’attend pas, au détour d’un titre envoûtant avec Frànçois Marry : valse à cru, « Danse avec moi » (car la jeune femme ne rechigne pas au français) est à la fois aérien et fermement attaché au sol, et amorce une fin de disque où les ambiances virent au sombre sans cesser de séduire. « Story of a Man », et à plus forte raison le magnifique « Street Kid » prennent ainsi au corps et au coeur, et parachèvent un tableau en tous points magnifique. Celui d’un envol, celui de Mesparrow, au sifflotement que je ne suis pas près d’oublier.