Portant le nom de l’un des personnages les plus brutaux du Parrain, cette mixtape donne sans surprise dans des récits parsemés de drogue, de violence et de délinquance, et ce d’entrée, avec le cocaine rap de « Paper Chasers ». Hormis peut-être l’efficace refrain en espagnol du très noir « Narco Trafficante », il ne propose rien de bien nouveau ni de personnel dans ce registre. D’ailleurs, quand Kevin Gates accueille des invités prestigieux, c’est pour épouser leurs propres formules, ou celle de leurs villes d’origine : enfumé, lent et défoncé sur « Just Ride », avec Curren$y ; sautillant dans la tradition bounce de La Nouvelle-Orléans sur le catchy « Ugly but She Is Fine », avec Master P.

Là où The Luca Brasi Story fait la différence, toutefois, c’est dans ces moments où Kevin Gates joue de la corde sensible, marchant sur les pas d’un Drake, ou, de manière plus prononcée, d’un Future. Comme ce dernier, le rappeur ouvre son cœur (« Arms of a Stranger », « Around Me », « Marshall Mathers », « IDGAF », ce « Twilight » où il s’imagine sous les traits d’un vampire issu du film du même nom), et il passe avec aisance du rap au chant, ou à quelque chose entre les deux. C’est d’ailleurs là l’un des atouts de The Luca Brasi Story : même si Kevin Gates prouve avec son a capella final qu’il est aussi à l’aise sans les beats, cette mixtape est, souvent, exceptionnellement mélodique. C’est patent sur les titres irrésistiblement accrocheurs que sont « Hold Ya Head », « Hero » et « Hold It Down ».

Le rappeur, par soif de succès sans doute, semble bien résolu à jouer cette carte, celle de la vulnérabilité et de la mélodie. A en croire le sirupeux « Satellites » qu’il a sorti en mars, il se pourrait même qu’il sombre à terme du mauvais côté du sentimentalisme. Mais pour l’instant, The Luca Brasi Story ne fait que frôler ce travers. Nonobstant les habituelles longueurs, cette sortie est encore pile à l’endroit qu’il faut pour être une grande mixtape.