Antoine Pasqualini, le chanteur multi-instrumentiste fondateur d’Arch Woodmann, et désormais entouré d’un vrai groupe, est initialement batteur et ça s’entend. Si l’on devait prélever la sève des morceaux qui constituent le troisième album flamboyant de ces Bordelais d’adoption, nul doute que celle-ci se trouverait dans la section rythmique du groupe, tout à fait impeccable, quelque part entre le groove post-rock chirurgical et hypnotique de John McEntire – un autre batteur multi-instrumentiste (Tortoise, The Sea and Cake) – et la white soul énergique et maligne des Talking Heads. Nous parlons ici de sève car, fort heureusement, « Arch Woodmann » l’album ne se résume pas à une collection de chansons simplement efficaces (a contrario des pompiers peu supportables de Foals) même si « God God », « Stupid’o’Clock », « Parking Lot » ou « What Do You See » sont des tubes en puissance, capables de rapidement faire monter au plafond les auditeurs les plus apathiques.
Le troisième LP de la bande de Pasqualini est avant tout un très grand disque de pop moderne au sens large, et d’une richesse qui ne se dément pas au fil des écoutes. Moderne et paradoxalement assez à part dans la scène pop française actuelle (elle-même finalement plutôt rétrograde car en pleine fixette 80’s), il puise dans les structures post-rock les plus élaborées – mais présentées ici dans leurs plus beaux adages, entre choeurs smoothy (les irrésistibles « sha sha sha » du sublime « That Summer »), cuivres envoûtants (« That Summer », encore), synthés cheap piqués à « The Sophtware Slump » de Grandaddy (« Sea Precious Sea ») et electronica inspirée (« Parking Lot »).
Parfaitement agencé comme toute grande oeuvre qui se respecte, l’album se clôt d’une manière admirable avec la suite bipolaire « Coupe » / « Gorge » que n’importe quel autre groupe aurait placé en ouverture de disque, avec son intro musicale planante quasi-lynchienne coupée net par le tubesque et nerveux « Gorge », titre de fait isolé et sonnant effectivement différemment du reste de l’album. Ce morceau semble nous indiquer le début d’un nouveau cycle pour Arch Woodmann… qu’on ne connaîtra qu’en patientant jusqu’à leur prochaine livraison discographique et qui nous pousse à sans cesse ré-appuyer sur le bouton « play », jamais tout à fait rassasiés de ce disque ample et protéiforme.