Sur leur premier opus, « Gorilla Manor », Local Natives faisait déjà preuve d’un talent mélodique remarquable, doublé d’une insouciance qui en faisait un objet plutôt radieux et juvénile, également bien dans l’air de son temps, peut-être trop même. Mais aujourd’hui, c’en est fini des rythmes et harmonies colorés. Sur « Hummingbird », ce sont avant tout les voix et les lignes mélodiques qui forment l’épine dorsale. Et si le tempo se ralentit singulièrement, cela ne l’empêche pas une fois encore de vibrer, cette fois-ci d’une mélancolie digne et retenue, portée par des compositions le plus souvent de haute tenue. En témoigne la belle ouverture que constitue « You and I », où Taylor Rice joue avec succès au crooner panoramique. Sans que ce soit constamment aussi appuyé, c’est bien autour du chant, qui a pris de l’envergure, que s’enroulent les titres suivants. Que ce soit dans un registre grand format (« Heavy Feet », la fin de l’ascensionnel « Black Spot ») ou relativement plus intimiste (« Ceilings » ou « Three Months », emblématique dans le genre), alors que « Breakers » tranche avec bonheur par ses ruptures rythmiques, et sa vigueur chorale qui renvoie immanquablement à Arcade Fire.
« Black Balloons », plus enjoué, et surtout « Wooly Mammoth », étonnamment froid, semblent partis pour détonner un peu, avant de raccrocher in fine les wagons. Mais tout ça, c’est reculer pour mieux sauter, avant les deux points d’orgue que constituent « Mt. Washington » et « Colombia ». Le premier emporte par sa prenante et aérienne montée en intensité, alors que sur le second, Kelsey Ayer offre un hommage sobre et sensible à sa mère récemment décédée (et un probable début d’explication à la perte d’innocence évoquée plus haut). « Bowery » paraphera ensuite le travail sur un mode plus collectif et faussement désordonné qui ne l’empêche pas de toucher aussi.
A l’instar de « Gorilla Manor », mais dans un genre différent, cet album illustre le talent des Local Natives pour synthétiser leurs influences, sans forcément beaucoup innover, mais avec d’évidentes dispositions mélodiques et vocales, une finesse dans les arrangements qui évitent toujours le trop, et cette fois-ci, un son qui a subtilement gagné en ampleur, par la grâce sans doute de la production du « National » Aaron Dessner. Le résultat, loin de tout pathos, dégage une force lévitatrice, à la fois douce et irrésistible, qui trouverait aisément sa place aux côtés du meilleur de Death Cab For Cutie.
Comme quoi faire référence au plus petit des oiseaux n’empêche pas de déployer de larges ailes.