Pour une fois, j’arrive en avance au Rocher de Palmer. Je le sais parce que… je ne peux pénétrer dans la salle. Le léger embouteillage qui se fait devant le « compostage » des tickets laisse augurer, et ça se vérifiera d’ailleurs, d’une belle audience. Mon (confortable) fauteuil rouge choisi avec soin, je peux attendre tranquillement le top départ.
Les lumières sur scène reprennent l’esthétique du dernier album de la musicienne : des ampoules par dizaines semblent tomber en rideau autour des musiciens, qui ont changé depuis la précédente tournée. Les quatre de ce soir (sans compter Sophie Hunger donc) couvrent bien des instruments, basse, batterie, guitare, mais aussi clavier, clarinette, violoncelle, trompette, mini-Moog. Somme toute logique, quand on connaît la richesse du style de Sophie Hunger, qui arrive et prend place à son piano. Elle ne nous quittera qu’une heure et demie plus tard.
Et pendant ce temps, ce temps précieux, ce fut éblouissant. Oui, éblouissant de maîtrise, avec des musiciens qui jouent chaque note avec un sens de la précision jamais pris en défaut. Mais ce fut aussi une débauche de styles, d’influences, qui ont visité le jazz, la pop, le folk et le rock avec un égal bonheur, et dont Sophie Hunger, cette grande artiste, a sublimé chaque moment. Entamé sur le magnifique « Rerevolution », l’artiste a multiplié les beaux moments avec simplicité mais une vraie intensité aussi. Ce n’est pas de la musique « précieuse » qui a été jouée : il y a du coeur, de la passion, beaucoup d’intensité dans les ballades (« Souldier », « Can You See Me? » où la voix de Sophie Hunger prend aux tripes) comme dans la plus enlevée « Personal Religion » ou la reprise transcendée de « Le vent nous portera » de Noir Désir en passant par la plus jazzy et légère « LikeLikeLike ». La complicité entre chaque musicien fait plaisir à voir, et se ressent dans la chaleur des chansons, très denses instrumentalement parlant, mais dont la générosité est toujours utilisée à propos. Elle est au service de mélodies qui se révèlent toujours magnifiques et d’un chant multilangues, jonglant entre français, un anglais majoritaire et l’allemand. De quoi mériter les généreux applaudissements entre chaquemorceaux, et plus encore les standings ovations qui ont accompagné la fin du set et de chaque rappel (deux au total). La marque d’une grande, assurément.