Shiko Shiko n’est pas le groupe le plus conventionnel qui soit. Les morceaux sont parfois très déroutants, mais il y a toujours comme dénominateur commun une énergie assez débridée, une faculté à accélérer un grand coup avant de freiner tout aussi sec, à changer en permanence de style. Et même si la conduite à risques peut amener des sorties de route, ce qui arrive parfois (presque) au duo, c’est un prix à mon sens raisonnable à payer pour entrer dans l’univers du groupe.
Pour une fois, les titres des morceaux sont assez parlants, en tout cas sur le degré de folie qui peut se cacher à l’intérieur. Est-ce qu’il y a beaucoup de groupes susceptibles d’écrire un titre qui s’appelle « Let’s Go to Pyongyang and Kill a Bunch of People » ? Sans doute pas. La structure tout en montagnes russes du morceau est sans doute à rapprocher du premier parc d’attractions qui a ouvert en Corée du Nord. Ou pas d’ailleurs. Mais elle reflète toutes les facettes de la musique du groupe, avec des coups de sang et des roulements de batterie furieux qui succèdent à des passages flirtant avec le math rock, avant de terminer sur une nappe de claviers tout ce qu’il y a de plus sobre. Mais en aucun cas, cela ne s’insère dans une quelconque continuité de l’album, puisque la suite se compose d’une (très réussie) cavalcade noise pop (« Pandanosaure »), avant une autre expérience pop un brin malveillante (« Aquapark »). Et tout à coup, quand on ne les attendait plus, Shiko Shiko décélère, mais en douceur : il y a bien des résidus de guitares maltraitées (« Christmas War »), mais coincées entre un ornythorinque tout doux et des tortues fâchées tout rouge, je ne les prends même pas en pitié (je réalise parfaitement que cette dernière phrase est incompréhensible). Mais n’ayez pas peur, les derniers morceaux jouent l’apaisement. Ou presque : le groupe nous projette avec « Firefox 330 000 » (on en est à la version… 12 je crois) dans une fête foraine pour adultes surexcités, après avoir pris son élan le temps de l’excellent « Masca Masca », déjà présent sur la compilation « Farfi(z)a Sessions vol.2« . Alors voilà, la fin est là, et ce disque confirme que Shiko Shiko mêle très bien son agitation du bocal à une discipline mélodique dont les règles m’échappent. Pas de quoi bouder mon plaisir, loin de là même !