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Disques

Jason Lytle – Dept. of Disappearance

 Jason Lytle - Dept. of Disappearance

Quand un artiste, d’un album l’autre,  conserve les mêmes recettes, le résultat est à double tranchant ; soit il approfondira son art, enrichira la texture de son oeuvre, soit il en épuisera le filon. Et puis ce verdict dépend toujours de l’auditeur ; je me rappelle le dernier Midlake, qui m’avait bien plus botté que le précédent, pourtant encensé, et qui pourtant se contentait de s’auto-pomper sans vergogne. Il fut une déception pour d’autres.

 « Dept. of Disappearance », le second album solo de Jason Lytle, tête pensante et âme sensible de Grandaddy (séparé en 2006, mais reformé plus ou moins pour des tournées), emprunte clairement la voie de la maîtrise sans cesse affinée de son art – entre psychédélisme synthétique et folk intime.

 Chez le Californien, on retrouve les outils qui faisaient mouche chez Grandaddy, le vocabulaire propre au groupe, cette humilité mêlée à la densité instrumentale – mélange qui permet de soigneusement et miraculeusement éviter à la fois le misérabilisme et la grandiloquence. De fait, Jason Lytle, dont la sensibilité mélodique est typiquement celle de beaucoup de folkeux plus ou moins minimalistes, a cette particularité :  il se sert des outils de la pop du XXIème siècle pour jouer une musique qui pourrait être destinée à la sobriété – et même la voix de Lytle, toujours rampante, semble sans cesse confirmer ce parti pris. Le résultat est beau et toujours emballant ; paradoxalement la densité pousse à la réécoute, et on ne se lasse pas de cette formule. Sur « Your Final Setting », la montée, à coups de superpositions de couches instrumentales, est aussi maîtrisée et stratosphérique que sur quelques très bons morceaux du dernier Yeti Lane (ça n’est pas peu dire).

 Pourtant Jason – il permettra qu’on l’appelle Jason, depuis le temps – n’évite pas tout à fait la facilité, quand il se permet, dans un souffle lyrique, d’entonner un « Somewhere There’s a Someone » à la limite du mièvre ; même là, la sincérité l’emporte – nous emporte. Sur « Get Up and Go », de même, ça sent un peu la recherche de tube, sur une mélodie un poil facile et un slogan catchy. Laisse tomber Jay, c’est pas vraiment ton rayon ; le micro-tube, il pointerait plutôt sur « Young Saints » et ses paroles de désillusion, ses synthés appuyés, ses cuivres synthétiques et cette mélancolie qui enrobe le tout. Bien plus original, le morceau fait mouche.

Plus sobrement aussi, l’album excelle dans la ballade triste à la Great Lake Swimmers, comme sur »Matterhorn » – moins enrobé, même si le jeu sur les textures et les épaisseurs de son reste une des constantes du registre. Dans le genre, « Last Problem of the Alps » n’est pas mal non plus, avec ses notes de piano et ce doux filet de voix fragile qui évoquerait vite Mark Linkous.

Et puis réussir à reprendre un thème de Super Mario en intro de « Gimme Click Gimme Grid » pour broder immédiatement un des titres les plus beaux et amples de l’album – assez radioheadien en fait – voilà qui n’est pas donné à tous les bidouilleurs et autres glitcheurs, même underground. Sur « Chopin Drives Truck to the Dump », au moins, on était prévenu des influences introductives.

Bref, entre ligne claire discrète et aplats plus bruts, les subtiles extravagances de Jason Lytle sont décidément en train de nous devenir aussi familières qu’indispensables.

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