Et un de plus. Encore un rappeur sorti de nulle part, ayant bénéficié en quelques semaines d’un buzz redoutable sur Internet. Trinidad James, en effet, était un parfait inconnu avant l’été 2012. Ce natif de Trinidad & Tobago, domicilié à Atlanta, n’aurait même commencé à rapper qu’il y a quelques mois (on n’y croit qu’à moitié…). Et c’est à l’aide d’une poignée de proches, parents et voisins, qu’il a assemblé bon an mal an cette mixtape, Don’t Be S.A.F.E. (l’acronyme signifiant « Sensitive As Fuck Everyday »), qui fait depuis les beaux jours du Web.
Il serait commode d’attribuer cette hype à la seule dégaine du rappeur, il est vrai assez notable. Ou encore à ce titre, « One More Molly », qui célèbre la drogue du moment. Il serait facile de ne voir dans cette mixtape que l’énième avatar d’un drug rap rabâché, déclamé par un nouveau jean-foutre défoncé. Sauf qu’elle est vraiment bien cette sortie, qu’elle repose sur bien autre chose qu’un ou deux bangers, qu’elle n’est pas la répétition incessante de la même formule. Trinidad James, en effet, dénote par sa versatilité. Celle de son phrasé, élastique, à l’aise sur tous les rythmes. Et, tout autant, celle de ses instrus.
Cette mixtape est pleine de surprises. Son premier temps fort par exemple, « Females Welcomed », étonne d’emblée en passant tout à coup à de l’électronique alambiquée et à la voix évanescente de Reija Lee, après un début tout en guitares et cuivres tapageurs et en arrogance sexiste. Aussitôt après, ce sont encore de nouvelles directions, avec le cloud rap de « Gold on My Mac Book », puis avec le cool et mélodique « Team Vacation », un autre grand moment, interprété par James avec quelques potes ou cousins, et où surgit soudain, inopinément, une grosse guitare baveuse agrémentée d’un chant soul.
Le rappeur relate ensuite son expérience de cette fameuse molly (« One More Molly »), avec les effets screwed & chopped qui vont bien, chaque fois qu’il est question de drogue. Il passe au tube parfait « All Gold Everything », à l’origine de l’engouement pour sa personne. Puis il convie un nouveau cousin, Juke, sur la musique très synthétique de « Madden on Game Cube ». Enfin, après avoir partagé un extrait de ses pensées sur « Givin’ No F*cks », il termine sur un titre aussi différent des autres, mais toujours aussi bon, un « Southside » à l’ancienne, avec boucle minimaliste et hommage au quartier.
Trinidad James est l’une des sensations rap de l’année, donc. Mais celle-là, au moins, est justifiée, car ce garçon de 25 ans a tout. Il a le flow, il a les beats, il a le swag. Il est à l’aise dans tous les registres, il ne connaît pas la routine et il n’ennuie jamais. Il a absolument tout ce qu’il faut à un rappeur, toutes les qualités pour légitimer sa bien soudaine notoriété.