Le disque a été produit par Joe Wax, un proche de Main Attrakionz, d’ailleurs présents ici. La pochette est un recyclage sans ambiguïté de celle du Tha Doggfather, de Snoop Dogg. Et les paroles, corsées, d’une misogynie éhontée, déclamées du point de vue du maquereau, plongent leurs racines aussi loin que chez Too Short. Rappeur métis (père ivoirien, mère juive) basé à Berkeley, 100s a beau n’avoir que 19 ans, c’est trois ou quatre générations de hip-hop californien insolent, pimp rap, g-funk, hyphy ou cloud rap, qu’il a digérées, avant de proposer cette mixtape très remarquée de la rentrée 2012.
Les rythmes effacés et les sons feutrés du cloud rap sont massivement présents sur l’album. C’est le cas sur « My Activator », où ils sont équilibrés par le flow rapide de 100s, plus loin sur « Land of the Laced », « ’92 Gator », « Power », « Another 1 Goes Down », et naturellement sur « Passion », le titre commun avec Main Attrakionz. D’autres titres jouent au contraire, avec succès, d’une électronique relevée, héritière probable du hyphy local, comme le torride « Brick $ell Phone », ce cas d’école en matière de sexisme dans le rap qu’est « Push the Line », un « ‘Bout That Life », accompagné par les raps coquins de Chippy Nonstop, et surtout, le minimaliste mais redoutablement bon « Slow Drip ». Le passif g-funk se manifeste aussi, quoique brièvement et de manière biaisée, à travers le chaleureux instrumental d’une « Outro » produite par Ryan Hemsworth. Et ailleurs, 100s et Joe Wax s’aventurent bien au-delà de leurs bases californiennes, comme avec le clin d’œil booty rap de « 1999 », ou encore avec un « Ice Cold Island » auto-tuné qui tourne carrément dancehall.
On peut s’amuser à détecter et recenser les références à tel ou tel sous-genre avec les beats de Ice Cold Perm. Ce disque, toutefois, appartient d’abord à un seul homme : 100s lui-même. Dosant ses featurings, d’un flow versatile, sans tache, sûr de lui et à l’aise sur tous les rythmes, le jeune rappeur en est la principale attraction. Il surpasse des beats qui, à l’outro et à un suave (mais plutôt raté) « Closer » près, sonnent parfois trop durs, trop froids, trop modernes, se distinguant en cela de l’héritage californien et du son généralement riche et ensoleillé de la West Coast. Quelles que soient les fondations sur lesquelles cet Ice Cold Perm s’est bâti, son principal mérite est de révéler pleinement, clé en main, une nouvelle voix, une nouvelle direction, un jeune talent déjà parvenu à maturité.