Presque dix ans après un premier effort (« I Believe« , 2003) plaisant sans être franchement inoubliable, le retour aux affaires de Tim Burgess en solitaire suscite d’abord un enthousiasme plutôt limité. Si l’on est plus interpellé, du moins dans un premier temps, par les choix capillaires assez discutables du chanteur que par la teneur de son nouvel opus, un rapide parcours des notes de pochette met la puce à l’oreille. « Oh No I Love You » est en effet le résultat d’une belle collaboration imaginée par la voix des Charlatans quelques années en arrière lors d’une rencontre sur le sol britannique, et qui trouve aujourd’hui une concrétisation inespérée. L’immense Kurt Wagner (Lambchop) signe tous les textes de cet album pendant que Burgess se charge des compositions. C’est à Nashville que les chansons nées de ce travail à quatre mains furent ensuite impeccablement exécutées par des membres de Lambchop, My Morning Jacket ou Clem Snide sous la direction de l’incontournable producteur local Mark Nevers. Notons enfin la présence de Sean O’Hagan (High Llamas), venu rehausser discrètement l’édifice de quelques arrangements de cordes magiques.
A la lecture d’un tel générique, on réalise que le Tim Burgess nouveau se promène aujourd’hui sous des latitudes sonores bien éloignées du baggy sound de ses Charlatans. « Oh No I Love You » est un disque totalement imprégné d’une culture musicale américaine qui n’a jamais cessé de fasciner l’artiste. Si le premier single « White » ou l’entraînant « Anytime Minutes » auraient pu figurer sur le classique soft-pop de Josh Rouse, « 1972 », ce sont bien les titres les plus lents qui portent le plus ostensiblement la patte unique de Kurt Wagner : « A Case For Vinyl » ou « Tobacco Fields » rappellent immanquablement le crooner mélancolique de « Nixon » ou « I See a Woman ». Même le timbre de voix si particulier de Burgess, beaucoup moins nasillard que d’accoutumée, semble s’être transformé au contact des textes de l’Américain. Pièce centrale du disque, « Hours » est peut-être le plus bel aboutissement de cette rencontre passionnante. Enrobé de cordes célestes, le pop-folk soulful de l’Anglais plane ici sereinement dans un ciel sans nuage. On ressent, tout au long de dix compositions sans la moindre faiblesse, un plaisir de jeu évident, une profonde sincérité qui permet au maître des lieux d’oser ce qu’il se permettrait sans doute un peu moins naturellement chez les Charlatans, à l’image de son chant malicieux sur « The Economy ». Une audace une fois encore à l’œuvre sur »A Gain », belle ballade qui invite un chœur gospel à conclure ce disque à l’humeur résolument optimiste.