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Concerts

Mats Gustaffson & Thurston Moore à Strand, Stockholm, le 21.09.2012

Depuis la fatale annonce de la mise en suspens de Sonic Youth pour cause de séparation (la fin d’une époque et des dernières illusions pour beaucoup. Comme une sorte de tournant indie de la rigueur Mitterrandienne), on voit et on entend finalement beaucoup nos compères de la jeunesse sonique sur nos terres. On imagine que Coco Gordon Moore profite de l’été indien européen puisque Mme fait une tournée française avec Bill Nace et que Thurston rend visite aux amis suédois pour une soirée bœuf-noise avec Mats Gustaffson à Strand.

C’est d’ailleurs assez rigolo, à titre personnel, de suivre les divers concerts des uns et des autres via facebook et de réduire l’écart entre Stockholm et la France via l’internationale noise Gordon/Moore. Bref.

D’entrée de jeu, Magnus Granberg s’occupe de « chauffer » la salle, comprendre ici préparer à l’écoute car le set de Magnus est on ne peut plus doux.

Magnus Granberg

Jouant assis, utilisant ses jambes comme sourdine, Magnus Granberg la joue humble, répétant de courts motifs et nous rappellant la fin du concert de John Tilbury interprétant Triadic Memories de Morton Feldman à Fylkingen l’an passé, pendant laquelle il avait improvisé quelques minutes sur son saxo en guise de conclusion. Morton Feldman, la sourdine, on est bien loin de ce que vont nous proposer Mats et Thurston quelques minutes après. En attendant les stars, le public, très respectueux, écoute religieusement le concert, tout comme Mats, Thurston et Neneh Cherry qui suivent les notes légères de Magnus backstage.

Changement de décor et d’ambiance, d’ailleurs, le public fait une avancée de quelques bons mètres pour se coller devant la scène et bien se prendre une bonne rasade de décibels. Un ampli basse, trois amplis guitares, le petit train de pédales au sol pour Thurston et une table pour celles de Mats : le décor est minimal. Pourtant, on va se prendre une déflagration sonique à base de distorsion, de boucles d’infrabasse pendant 54 minutes. Ce n’est pas nous qui chronométrons mais le geek posté à côté de nous qui regarde le concert, via son écran, par tranches de 12 minutes.

Tenons-nous en au show, Thurston fait du Thurston : planqué derrière sa mèche, les yeux fermés, il triture sa jazzmaster, frotte sa petite lime, enfourne des baguettes de batterie partout où il peut, remue son vibrato. C’est très porno.

Thurston Moore pied

Il semble éviter toute gesticulation Sonic Youthesque : pas de mur d’ampli à escalader, de milliards de guitares à maltraiter, délivrées par des roadies accoucheurs. Rien. Si ce n’est que je te tapote vaguement une pédale ou l’autre. Concentré.

Thurston tête

De l’autre côté, Mats toutes cowboy boots dehors (rien à voir avec le doucereux Jens L.) s’escrime sur ses pédales, jambes écartées, soufflant (hurlant dedans même), à de rares moments, comme un perdu, dans son vieux sax baryton à nous décoller le peu de cérumen qui nous restait (c’est que ça remue les intestins le baryton).

Mats Gustafsson tête

Il se donne à fond le Mats, renverse sa bière, secoue la table et sue comme un malade à grosses gouttes tant et si bien que nous craignons pour son petit matériel.

Mats table

Bien sûr, c’est du grand art : de la sculpture noise comme seuls les grands savent en faire. Basses, aigus, déchirements, stridences, boucles mélodiques, craquements, bruits de tronçonneuses, crachotis, tout le catalogue sonore du duo y passe sans forcément ressembler à un simple inventaire des stocks. Le set est tendu et procède à un long, lent et méticuleux curetage ORL, ou à un soir d’affluence à Orly.

On en sort rincés, heureux et les oreilles bourdonnantes mais c’est ça qui est bon, d’autant qu’on nous annonce que les compères seront les curators du premier « f’*ck festival » de Strand en mai prochain. Ça promet.

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