Il existe deux périodes bien distinctes dans le parcours de Band of Horses. La première est marquée par un immense essai inaugural (« Everything All the Time » (2006), compagnon idéal du contemporain « The Trials of Van Occupanther » de Midlake), suivi d’un deuxième album un peu moins marquant quoiqu’encore traversé de beaux éclairs mélodiques (« Cease to Begin », 2007). Défendu à l’époque par l’indépendant Sub Pop, le groupe incarne un passionnant point de jonction entre indie-rock moderne et country-folk intemporelle. C’est avec « Infinite Arms », paru en 2010, que débute une nouvelle ère pour la formation de Seattle. Désormais inscrit au catalogue d’une major, Band of Horses avance fièrement sur un album ouvertement radio-friendly, qui ne cherche pas à dissimuler ses hautes ambitions. Il en ressort certes quelques vraies réussites (l’ample « Factory », « Laredo » ou encore le tubesque « Dilly »), mais aussi l’impression tenace que le groupe n’a pas encore complètement opéré sa mue. Ce sera donc chose faite par le biais de ce remarquable « Mirage Rock », quatrième long format très attendu qui resserre le propos avec talent.
Changement notable entourant la conception de ce nouvel album, le groupe a choisi de se séparer de son producteur « historique », Phil Ek, pour confier la destinée de ses nouvelles compositions au vétéran Glyn Johns. Sans doute plus en accord avec la nouvelle direction musicale empruntée par Ben Bridwell et ses compagnons, l’ingénieur du son (connu entre autres pour son travail avec Led Zeppelin, The Rolling Stones, The Who mais aussi Eagles ou Steve Miller Band) s’est employé à concevoir un emballage sonore chaleureux et accueillant. Il en résulte une sorte d’authenticité vintage assez proche des productions soft-rock des années soixante-dix auquel il apporta autrefois sa patte. Pas exactement le type de références qui fera revenir le public indé, égaré suite à « Infinite Arms », dans le giron des Américains. Mais à l’écoute de « Mirage Rock », on prend justement conscience de tout le chemin parcouru depuis leurs débuts. S’il n’est pas forcément évident de prendre la mesure de cette métamorphose vu d’ici, il ne fait aucun doute que le groupe (désormais très populaire outre-Atlantique) s’inscrit dans la lignée d’un univers country-rock américain jusqu’au bout des ongles. Un peu à la manière de R.E.M. au début des années quatre-vingt dix ou, plus près de nous, de The Decemberists sur l’excellent « The King Is Dead », Band of Horses parvient à rendre palpable le fantasme d’une musique à la fois populaire et exigeante, respectueuse des traditions sans trahir son identité propre.
Les radios U.S. se délecteront probablement de « Knock Knock », « A Little Biblical » ou « Electric Music », instantanés pop-rock parfaitement structurés pour les ondes. C’est néanmoins dans les passages les plus apaisés que le quintette atteint sa cible avec le plus de justesse : « Slow Cruel Hands of Time », « Dumpster World » ou « Everything’s Gonna Be Undone » ressuscitent les harmonies vocales crépitantes de Crobsy, Stills, Nash & Young pour donner vie à un folk-rock pastoral de toute beauté. La fin de l’album brille particulièrement par la qualité de ses compositions : « Long Vows » est une grande ballade crépusculaire hantée par le timbre plaintif de Bridwell, tandis que les merveilleux arrangements de cordes du rêveur « Heartbreak on the 101 » se chargent de refermer le disque sur l’image envoûtante d’un beau ciel étoilé. N’en déplaise à ceux qui n’auront pas adhéré à ses récents choix esthétiques, la musique de Band of Horses brille aujourd’hui plus que jamais au firmament.