Il faut avoir du courage pour suivre le rythme, pour écouter avec persévérance toutes ces mixtapes que Gucci Mane sort à tire-larigot depuis maintenant près de 8 ans. Tenez, le temps de faire le tour de ce Trap Back, et la brute d’Atlanta en a déjà mis deux autres en route (I’m Up et Trap God, pour ne pas les nommer). Ça va si vite que même un site d’acharnés comme Discogs peine à maintenir sa liste à jour. Cette sortie-là, cependant, la toute première que Radric Davis ait sortie en 2012, mérite d’être distinguée du lot.
Le titre annonce un come-back, un retour tonitruant aux fondamentaux du rappeur et de son trap rap. Et de fait, c’est exactement cela. Depuis son ascension rapide et une année 2009 qui a semblé le grand moment de sa carrière, Gucci Mane s’était perdu toujours plus dans ses démêlés avec la justice, franchissant un cap en 2011, avec une condamnation à aller en hôpital psychiatrique, en plus d’une autre, plus habituelle, pour la prison. Ses sorties aussi accusaient le coup, notamment BAYTL, un disque hasardeux avec V-Nasty, une rappeuse blanche dans le style et de l’entourage de Kreayshawn.
Mais avec ce solide Trap Back, on est de retour sur de bons rails (de coke). Il s’avère convaincant, à moins bien sûr d’avoir encore des réflexes de vierge effarouchée face à l’insolence d’un rappeur qui affiche sa réussite par l’aisance matérielle ou en se pavanant avec une fille blanche (« In Love With a White Girl »), ou à l’écoute de ces propos où il n’est question que de consommation et de vente de drogue, le rappeur comparant notamment la douce profession de dealer à celle de Père Noël (« North Pole »).
Si cette mixtape fonctionne aussi bien, c’est le fait d’une production efficace. Ce « Back in ‘95 » où Gucci Mane revient sur son passé de petite frappe est à point avec la ritournelle synthétique sautillante de Sonny Digital. Les instrus façon film d’horreur de Drumma Boy sur « Thank You » et « Sometimes », les beats haletants de « Chicken Room » et de « Club Hoppin' », et celui, virevoltant, de « Okay with Me », font impression.
Mais Gucci Mane, dont on a pourtant souvent contesté les qualités au micro et critiqué son recours aux rimes finales simples, joue également sa part. C’est bien senti quand il passe brièvement au double time sur « Back in ‘95 ». Ça l’est encore quand le flow d’abord endolori de « Quiet » gagne progressivement en vigueur, en diapason avec la musique. Et quel autre rappeur pourrait donner une telle saveur à la rengaine cramée du jeu Tetris (« Get It Back ») ?
Et si l’on ajoute à cela tout ce qu’il faut d’invités, ni trop, ni trop peu, des attendus Waka Flocka Flame, Yo Gotti et Rocko, aux rappeurs du moment Future et 2 Chainz, en passant par Jadakiss, on aboutit à la meilleure tape de Gucci Mane depuis longtemps, une qui s’écoute sans peine ou presque d’un bout à l’autre, l’une des plus notables de l’année.