Cela fait quelques années déjà que le new-yorkais Sean Pompey, alias Smoke DZA, alias The Kushed God, s’est fait une place, ayant proposé depuis 2009 plusieurs sorties dont les titres et le contenu sentent bon le hip-hop sous influence cannabique, comme Substance Abuse, T.H.C. ou ce Rolling Stoned remarqué en 2011. Avec ce dernier album, cependant, le rappeur a encore accru sa visibilité en mettant toutes les chances de son côté.
Sur Rugby Thompson, le rappeur a pris soin de convier des représentants d’à peu près tous les collectifs qui font le hip-hop américain au début des années 2010 : Black Hippy est représenté par Schoolboy Q ; on retrouve Odd Future par l’intermédiaire de Domo Genesis, et le A$AP Mob via A$AP Twelvyy ; s’y pressent aussi Action Bronson et Meyhem Lauren, ainsi que d’autres New-Yorkais notoires, Thirstin Howl III et Sean Price, respectivement vétérans de la Lo-Life et du Boot Camp Click. Enfin, Jet Life Recordings, auquel le rappeur est lui-même affilié, est présent via son leader, un Curren$y avec lequel Smoke DZA partage ce phrasé enfumé et lancinant de type ayant trop tiré sur ses joints. Son goût pour l’herbe est d’ailleurs le principal thème traité ici, avec sa passion pour les polos Ralph Lauren (« Rivermonts ») ou la star du catch New Jack (« New Jack »), et ses comptes-rendus sur la vie des quartiers et la délinquance ordinaire (« Playground Legend »).
Last but not least, sur la totalité de l’album, Smoke DZA bénéficie des services de l’homme en vue de 2012, Harry Fraud. A égalité avec une durée optimale (40 minutes) qui limite les déchets, les beats de ce dernier sont pour beaucoup dans la réussite de l’album. C’est lui qui offre au rappeur, sur « Rugby Thompson », une instru lancinante qui sied à merveille à son flow léthargique, puis passe aussitôt à une autre, plus enlevée, pour accompagner sur « New Jack » un débit inhabituellement rapide chez le Kushed God. L’atout de Fraud, plus que jamais, c’est sa capacité d’adaptation au rappeur qu’il accompagne, c’est la largeur de sa palette, c’est sa faculté à surprendre, comme avec le traitement qu’il réserve au sample du fameux « Who’s Gonna Take the Weight » de Gang Starr, sur « Kenny Powers ».
Ce dernier titre laisse un peu circonspect, mais d’autres démontrent de manière éclatante le talent de Fraud, comme « Rivermonts » et l’excellent « Ashtray », où le producteur s’autorise avec réussite des samples à la mode chopped and screwed, comme encore ce « Fuck Ya Mother » où se succèdent avec adresse une flûte légère et des chœurs habités. Les autres moments de Rugby Thompson, à vrai dire, n’ont pas toujours cet impact, mais rien n’est vraiment à jeter non plus. Grâces en soient rendues à Smoke DZA, ainsi qu’à cet Harry Fraud dont le nom semble être devenu désormais un gage fiable de solidité.