Ce fut une belle Route du rock : sans pluie (bon, cinq minutes le dimanche, si on veut vraiment pinailler), avec une programmation qui a dans l’ensemble tenu ses promesses, entre jeunes pousses excitantes, musiciens confirmés et vétérans de choix. Comment expliquer alors la baisse sévère de la fréquentation, dépassant les 30 % par rapport à 2011, avec un peu plus de 13 000 festivaliers contre 19 600 l’an passé ? L’effet “chat échaudé craint l’eau froide”, la météo franchement pas terrible des deux éditions précédentes en ayant découragé certains ? Ou, plus probablement, le manque de véritables têtes d’affiche fédératrices (financièrement hors de portée, pour la plupart) ?
Reconnaissons par ailleurs que cette édition 2012, au-delà d’une qualité artistique globalement bonne, manquait un peu d’animation. La faute à un public vieillissant (on s’inclut dans le lot) et clairsemé, ou à un manque de groupes capables de faire danser, ou du moins bouger – les énergiques et charismatiques Breton tirant leur épingle du jeu dans ce contexte mollasson ? On suppose que les organisateurs sont en train de se poser les mêmes questions et qu’ils sauront rectifier le tir pour l’année prochaine, histoire qu’on continue à prendre la Route avec le même enthousiasme.
Vendredi 10 août
En ce premier jour de la Route du rock, agréable surprise : il fait (très) beau, et même chaud. De quoi faire oublier les dernières éditions particulièrement pluvieuses. Mais pas question de traîner sur le sable les doigts de pied en éventail, le programme est chargé au Fort de St-Père. Après le mélange guitare-machines vintage plutôt convaincant de Yeti Lane sur la petite scène de la Tour (dévolue à des artistes en solo ou duo), les choses sérieuses commencent sur la grande scène avec Alt-J. En total look « retour de la plage », le jeune quartette de Leeds vient présenter son très remarqué premier album, « An Awesome Wave ». A priori, la tâche n’est pas évidente pour ces garçons aussi sympathiques que cultivés, mais pas encore habitués aux festivals en plein air. Pourtant, même s’ils manquent encore un peu de présence – ils sont d’ailleurs les premiers à le reconnaître –, leur musique déconcertante et savamment déconstruite passe assez bien l’épreuve du live. A revoir en salle dans quelque temps, donc.
La réputation scénique de Patrick Watson n’est, elle, plus à faire. Dès ses premiers concerts, le charismatique Canadien alors inconnu se mettait le public dans la poche au bout de quelques minutes. Entouré comme toujours d’excellents musiciens, il livre avec un mélange de décontraction (allure hobo, clope au bec) et de virtuosité des titres de son brillant dernier album « Adventures in Your Own Backyard » et quelques autres plus anciens, pleins de lyrisme et de délicatesse. Des passages explosifs alternent avec d’autres beaucoup plus intimistes, à l’ancienne, où le groupe se réunit autour d’un unique micro. Magique.
La réputation scénique de Patrick Watson n’est, elle, plus à faire. Dès ses premiers concerts, le charismatique Canadien alors inconnu se mettait le public dans la poche au bout de quelques minutes. Entouré comme toujours d’excellents musiciens, il livre avec un mélange de décontraction (allure hobo, clope au bec) et de virtuosité des titres de son brillant dernier album « Adventures in Your Own Backyard » et quelques autres plus anciens, pleins de lyrisme et de délicatesse. Des passages explosifs alternent avec d’autres beaucoup plus intimistes, à l’ancienne, où le groupe se réunit autour d’un unique micro. Magique.
Comme il l’avait fait dans d’autres festivals, Dominique A livrait un programme en deux parties. Avant « La Fossette » en trio le lendemain au Palais du Grand Large, l’auteur du « Courage des oiseaux » jouait les titres de son dernier album « Vers les lueurs », avec section de vents. Et ce, pour la dernière fois, puisque ne subsistera que le quintette « rock » pour la tournée de cet automne. Le concert, d’une richesse musicale éblouissante, n’en était que plus intense, d’autant que le chanteur semble particulièrement attaché à ce festival dont il est un habitué (et, par ailleurs, le seul artiste de cette édition chantant en français).
Suivait un autre vétéran, à la carrière encore plus longue que celle du Nantais : Jason Pierce, à la tête de Spiritualized, groupe aussi singulier que passionnant. Impassible derrière ses lunettes noires, l’ex-Spacemen 3 navigue entre pop, garage rock, soul-gospel (grâce à deux choristes black) et dérives bruitistes, revisitant sa discographie en une petite heure. Malgré de beaux moments (le single « Hey Jane », le superbe « Ladies and Gentlemen We Are Floating in Space » tiré du chef-d’œuvre homonyme…), le concert s’avère un peu frustrant : forcément trop court, et trop statique pour un festival en plein air.
Le duo australien (mais installé en Europe) Civil Civic suit sur la scène de la Tour. Son électro-punk instrumental et saturé, avec mélodies imparables jouées au synthé, ne fait pas franchement dans la dentelle, mais s’avère parfaitement jouissif.
Il faut se méfier des groupes avec « soft » dans leur nom (Soft Machine, The Soft Boys, Soft Cell, The Electric Soft Parade, The Soft Pack…) : ils ne sont généralement ni doux, ni mous. Confirmation avec The Soft Moon, trio de San Francisco adepte d’un électro-rock particulièrement sombre et tourmenté. Comme à tout nouveau groupe qui s’habille en noir, on lui a collé l’étiquette Joy Division, mais la musique de Luis Vasquez et de ses acolytes rappelle d’autres formations d’il y a trente ans, plus obscures et expérimentales : Ike Yard, Circle X, le Section 25 des tout débuts, ainsi que la vague cold-indus de leur ville d’origine (Tuxedomoon and co). Rythmiques imperturbables, basse descendue à la cave et cris no wave : qu’on ne compte pas sur eux pour animer une bar-mitsva ou une soirée zouk love. Idéal en revanche pour une nuit même sans lune, quoique un brin lassant sur la durée, faute de chansons un peu structurées.
Comme on veut garder un peu d’énergie pour la suite, on part après quelques morceaux de Squarepusher. On entend d’ailleurs très bien la fin de son set depuis le camping municipal, à quelques kilomètres du site, même s’il manque l’image (des projections de motifs graphiques raccord avec la musique). (V.A.)