Le duo anglais Grasscut avait beaucoup fait parler de lui en 2010, son premier album rompant nettement avec le ronronnement d’une scène electronica en passe de s’installer dans un confort dangereusement routinier. Mouvante et indisciplinée, la musique proposée sur « 1 Inch : 1/2 Mile » ne trouvait alors pas réellement d’équivalent parmi ses contemporains. De retour aujourd’hui avec « Unearth », Andrew Phillips et Marcus O’Dair paraissent bien décidés à accentuer un peu plus encore le côté espiègle et voyageur de leurs compositions.
On se laisse embarquer d’entrée dans les brumes accueillantes d’un « Cut Grass » bourdonnant à souhait, en route pour un périple musical singulier et totalement dépaysant. La lumière perce ensuite graduellement sur « Pieces », dont la mélodie surnage comme par enchantement de l’épais brouillard des machines, et surtout sur « Blink In The Night », l’un des sommets du disque. Là, Grasscut réussit le mariage idéal entre le feu et la glace, le côté clinique et rigoureux de l’électronique la plus exigeante et le fondant d’une pop intensément mélodique. Le genre de réussite majeure qui appelle la comparaison avec The Postal Service ou surtout avec le Notwist en état de grâce de « Neon Golden », pour donner une idée du niveau d’excellence atteint ici. On prend place ensuite à bord d’un « Reservoir » chargé d’une mélancolie proche de Gravenhurst, qui fait naître le fantasme d’une future collaboration entre Nick Talbot et nos deux bidouilleurs. Les deux formations ont d’ailleurs en commun cette volonté d’inscrire leurs expérimentations dans la lignée d’une très longue tradition de perpétuation et de rénovation ingénieuse d’un certain folklore britannique. Aidé dans son entreprise par quelques voix amies (Gazelle Twin, Robert Wyatt ou le génial David Bramwell d’Oddfellows Casino joignent leurs timbres à celui d’Andrew Phillips), Grasscut construit pas à pas un disque en forme d’invitation au voyage immobile. Une véritable expédition musicale dont la moindre mélodie, la moindre trouvaille sonore (à l’image du sample plutôt osé de la voix de Kathleen Ferrier, contralto des années 50, sur « We Fold Ourselves ») évoquerait un paysage différent. On ne s’ennuie donc jamais sur « Unearth ». A tel point que dès que s’amorce le final bleuté de la magnifique « Richardson Road », nous gagne l’envie de repartir sans tarder pour une nouvelle virée aux côtés de ces deux guides passionnants.