Pour sa quatrième édition, le festival Beauregard, à Hérouville-Saint-Clair, près de Caen, proposait une affiche variée et fédératrice, mêlant à parts à peu près égales artistes français (voire locaux pour certains) et étrangers. Tout n’était pas forcément notre tasse de thé – ou notre verre de cidre –, mais la proportion de noms alléchants était suffisamment élevée pour qu’on ait eu envie d’aller passer trois jours dans la verdure normande. Si la pluie n’aura épargné que le dimanche, transformant le site en bourbier, la beauté des lieux et l’ambiance bon enfant du festival auront réussi à nous le faire oublier. Petit compte-rendu sous forme de dialogue.
Vendredi 6 juillet
V.A. : Mike, tu es arrivé plus tôt que moi le vendredi, je te laisse donc commencer.
M.C. : Plus tôt oui, mais trop tard pour Olivier Depardon (bravo pour la blague “Il a fait des photos ?”), donc le début de festival s’est fait pour moi avec The Lanskies. Pas désagréable, mais j’ai beaucoup de mal à me souvenir de quoi que ce soit. J’ai l’impression d’avoir déjà entendu ce groupe plein de fois, même si le chanteur (anglais) fait preuve de beaucoup d’énergie et trouve du répondant dans le jeune public (on vient fêter son bac ?). La suite, c’est Miossec, qui a peut-être fêté son bac il y a longtemps. Mais c’est plus de la peine que j’ai ressentie pour lui, visiblement diminué physiquement (tics, difficultés à se tenir debout, voix brisée – pourtant, il paraît qu’il a arrêté l’alcool), ce qui n’a pas forcément servi ses chansons, malgré les efforts de son groupe très carré (ceci dit, “Je m’en vais” y gagnait une force incroyable).
La suite, c’est Killing Joke. Désolé, je ne dois pas être assez âgé, mais j’ai trouvé que Jaz Coleman ressemblait à un vieux corbeau caricatural, imitation qui m’a tenu le week-end. Je n’avais sans doute pas les clés pour apprécier ce groupe fondamental pour des artistes que j’adore, je m’abstiendrai donc de commenter davantage (mes amis, bien plus versés dans la musique de Killing Joke, ont trouvé ça bien). Bon, Selah Sue, ça a été ma pause repas (il y avait des stands sympa).
V.A. : J’ai fait de nombreux arrêts à celui des produits normands, notamment pour les délicieux sablés aux pommes. Pour ma part, je suis arrivé au début du concert de Dionysos, en pleine panne de réseau Orange. Heureusement, les personnes qui devaient m’héberger pendant le week-end (et que je remercie au passage) m’ont trouvé quelques minutes seulement après mon arrivée. Il pleuvait… disons, modérément. Il y avait encore de l’herbe au sol. J’ai suivi le concert des Drômois de loin, d’un œil un peu distrait, avec l’impression de l’avoir déjà vu plusieurs fois par le passé. Mais même si la poésie lycéenne de Mathias Malzieu ne m’intéresse pas beaucoup, je reste impressionné par l’énergie que déploie le groupe sur scène. Et puis ils jouent quelques vieux morceaux, ce qui est toujours plaisant (surtout quand on ne connaît pas les nouveaux). Ah, sinon, quand Mathias chantait « I am John McEnroe », j’ai cru entendre « I am Jean-Marc Ayrault ».
M.C. : Accordons à Mathias qu’il a un peu moins de raideur que notre Premier ministre germanophone, mais il y a clairement une redite incroyable chez Dionysos, qui fait les mêmes trucs en concert depuis six ans (OK, il sait faire du stage-diving, mais bon, je m’en fous un peu…)
V.A. : Sinon, on va charitablement passer sous silence Shaka Ponk, non ? Personnellement j’ai tenu deux morceaux. Ça m’a rappelé toute cette scène rock fusion française du milieu des années 90 que je suis malheureusement assez âgé pour avoir connue.
M.C. : L’imagerie pseudo-manga et les clichés rebelles sont assez infâmes, c’est vraiment très mauvais.
V.A. : A peu près autant que Skip The Use, en effet. Parlons plutôt des Kills. Signalons d’ailleurs pour les fans que Jamie Hince était tout récemment dans « Voici ». Bon, un concert des Kills sur une grande scène, ça perd beaucoup de son intérêt. Mais comme ils sont aujourd’hui trop connus pour jouer dans des petites salles, il faut bien s’en contenter. C’était inégal, mais j’ai trouvé ça mieux qu’à la Route du rock et Rock en Seine l’année dernière. Principale innovation : quatre batteurs, ou plutôt quatre jeunes tambours, cuir noir sur le dos et foulard rouge sur le nez, dont le jeu très chorégraphié vient appuyer la boîte à rythmes. L’ensemble reste quand même minimaliste, alors que les morceaux les plus pop mériteraient un peu plus d’enrobage et de fluidité. Je me souviendrai surtout de la fin, enchaînant comme sur le premier album « Fuck the People » et « Monkey 23 » : l’espace de quelques minutes, on retrouvait les Kills sauvages et sexy des débuts.
M.C. : D’accord avec toi, je trouve aussi que la setlist était bizarrement conçue, et je ne m’explique encore pas l’impasse sur “Cheap and Cheerful”, excellent morceau rapide, percutant. Mais il y a eu de belles fulgurances, et Alison a retrouvé la forme, je trouve.
V.A. : Tu as vu Superpoze sur la scène B ?
M.C. : Vu, ce serait un bien grand mot, mais un peu entendu le trip-hop/abstract hip-hop de celui qui devait remplaçer Hot Chip. Il s’en est plutôt bien tiré, il me semble. Je vais te laisser conclure sur Metronomy, que je ne goûte pas vraiment (même si je me suis surpris à sautiller !).
V.A. : Je me suis planté une heure avant le concert face à la scène A pour être bien placé, et je me suis vite retrouvé entouré de lycéens et de lycéennes. Je savais que les Anglais avaient un public jeune mais je ne pensais pas que c’était à ce point. Du coup, ça a été un peu la pagaille, et la pluie n’a rien arrangé. Le concert était plutôt bien. Je regrette un peu la disparition de leurs petites loupiotes clignotantes, et je ne suis pas non plus un inconditionnel, mais sinon, pour un groupe en fin de tournée, ils étaient encore plutôt frais et avaient l’air contents d’être là.
M.C. : A ce moment-là, on ne savait pas à quoi on allait avoir droit le lendemain…