A voir Nacho Picasso et Blue Sky Black Death enchainer les mixtapes ces derniers mois, on pensait qu’ils allaient finir par s’essouffler. Et bien non, même pas. A peine »Lord of the Fly » digéré, qu’ils embrayent à nouveau. Et leur dernière livraison, qu’ils ont voulu rendre payante cette fois, maintenant que l’auditeur est accroc, dépasse encore les précédentes.
Mis à part cette pochette qui garde les femmes nues d’avant, mais abandonne l’imagerie »heroic fantasy », préfère la photographie au dessin et met en scène le rappeur dans les habits de Moïse, rien n’a vraiment changé depuis les deux dernières fois. Les producteurs de Blue Sky Black Death, épaulés à l’occasion par Raised by Wolves, déploient les nappes majestueuses et les beats lents par lesquels ils se sont fait connaître. Et le rappeur de Seattle les accompagne encore de sa voix éraillée et de son phrasé flegmatique de MC assommé par les drogues, évitant de justesse la monotonie, sachant parfois se taire pour mieux laisser respirer la musique, comme avec l’envolée finale de « Swap ’em Out ».
Nacho Picasso adopte toujours le même ton gentiment ironique, il émaille encore ses propos de rappeur défoncé d’incessantes références pop culture (notamment le film de série Z »Surf Nazis Must Die », qui donne son nom à un des morceaux), et il se lance dans le même égo-trip tout en humour pince sans rire, par exemple quand il se moque des maisons de disques, incapables de repérer l’oiseau rare qu’il est (« Tom Hanks »).
Cette mixtape est pareille aux deux précédentes, donc. Cependant, malgré une légère perte de régime en fin de course, elle leur est aussi supérieure, grâce à de petites astuces bien trouvées comme les chants indigènes de « Bloody Murder » ou, sur un principe proche, les voix de « Kickin’ out Windows » (un sample du « Stop that Train » des Beastie Boys) ; grâce aussi aux changements d’intonations du rappeur sur un « Haile Selassie » excellent et particulièrement éthéré, ou au chant inattendu de Jeremy Cross sur « 4th of July », déclamé sur un beat particulièrement hypnotique ; grâce enfin à une musique plus diversifiée que les nappes habituelles, comme celle, ardue et fracturée, du titre « Public Enemy ».
Tous ces détails font la différence par rapport aux précédentes mixtapes, et devraient encourager tout un chacun à dépenser les 5 dollars réclamés cette fois. Nacho Picasso et ses copains les valent, maintenant qu’ils maîtrisent leur formule à la perfection.