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Disques

Sinead O’Connor – How About I Be Me (And You Be You)?

Sinéad O'Connor - How About I Be Me (And You Be You) ?

Sinéad O’Connor doit peut-être à sa personnalité complexe, au remplissage régulier des rubriques des échotiers, à sa sincérité malaisante, la bouderie infligée le plus souvent à sa musique. Entre foi rebelle et troubles bipolaires, mariages résiliés et conscience politique, la psyché largement médiatisée de la chanteuse fait écran, et masque le reste, bien souvent dédaigné, et à tort : son album reggae, « Throw Down Your Arms » méritait par exemple largement le détour. Il est possible par ailleurs que le décalage entre la radicalité émotionnelle de ses prestations vocales et le caractère parfois prévisible de sa musique déçoive quelque peu aussi. « How About I Be Me (and You Be You) ? » est peut-être en ce sens un disque qui manifeste l’équilibre régénéré entre l’introspection, le lyrisme (souvent tenu en bride ici ou contrebalancé par des fins de phrases proches du soupir), et des compositions rigoureuses sans être révolutionnaires. Même lorsque la barque est un peu trop lourde (des guitares parfois pataudes), la prestance vocale s’avère ici capable, sans esbroufe particulière, de faire décoller le morceau. A preuve, la reprise assez magistrale et fidèle de « Queen of Denmark » de John Grant où la maîtrise de l’organe, jouant du chaud-froid, de la virulence et de la douleur, embarque le tout. Le timbre de la chanteuse a d’ailleurs évolué, pris du grain, et, dans un mélange assez épatant de lâcher prise et de contrôle, les modulations et les scansions (superbes suspensions) frappent ou caressent. Le disque est là aussi pour rappeler la diversité (des genres comme des narrations) qui convient à ses performances. Ouvert sur un reggae chaloupé et enjoué qui dresse le tableau d’un mariage presque idéal à la première personne (« 4th and Vine »), thème repris et détourné en rock à la seconde (« The Wolf is Getting Married »), le disque poursuit sur une ballade crève-cœur qui donne voix à un junkie jouant avec l’idée d’une rédemption possible (« Reason With Me »), bien avant que le « V.I.P » final ne renvoie la vanité du monde au miroir du salut chrétien. Amour et foi, déchéance et désordre mental, maternité et sentiment d’abandon s’entrelacent et se répondent, tissant un réseau de sens cohérent, vibrant ici d’une vie renouvelée.

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