Un Blanc dodu, roux et barbu qui rappe exactement comme Ghostface Killah et qui s’adonne à un hip-hop d’essence revivaliste. Voilà comment Action Bronson nous est présenté, ce qui, a priori, ne parait pas très sexy. Il y avait pourtant de bonnes choses sur son premier album, Dr. Lecter, et davantage encore sur ce Blue Chips de 2012, une nouvelle preuve qu’au XXIème siècle, les rappeurs se montrent souvent supérieurs sur mixtapes, ils y sont plus frais et moins coincés que sur leurs disques destinés à la vente.
Action Bronson, donc, rappe comme Ghostface. Vraiment. Il a beau invoquer l’influence de Kool G Rap, le mimétisme avec notre ami du Wu-Tang est frappant, il est indéniable. Le timbre de sa voix est quasiment le même. Comme lui, il aime déclamer d’un seul souffle et dans l’urgence toutes les pensées qui lui traversent la tête. Issu lui aussi de la Grosse Pomme (mais du Queens, pas de Staten Island), il privilégie une musique gavée de samples et de funk 70’s qui, avec de petits bijoux comme « Tan Leather », « Nordic Wind » ou « Thug Love Story 2012 », rappelle la grande époque du rap new-yorkais de la décennie 90.
Action Bronson a pourtant ses traits distinctifs. Et les plus notables, ce sont ces improbables métaphores culinaires dont, gourmet et ancien chef cuisinier, il assaisonne chaque morceau. Quand d’autres rappeurs détaillent les mille et une façons de dealer ou de consommer de la cocaïne, celui-ci nous parle de pizza quatre-fromages, de cervelle d’agneau et de vinaigrette. Mais il y a aussi bien d’autres thèmes sur Blue Chips. Il y est question de sexe, beaucoup ; de putains, sur le très bon « Hookers at the Point » (avec en prime, une vidéo particulièrement glauque où l’on voit l’une de ces dames uriner en pleine rue) ; et de multiples références issues de culture pop, économique ou sportive, à commencer par le titre et la pochette, recyclages d’un film de 1994 avec Nick Nolte mettant en scène l’univers du basket, en passant par le morceau « Ron Simmons », nommé d’après une star du catch, ou « Steve Wynn », référence à un célèbre magnat de Las Vegas.
Action Bronson, on l’a dit, ce n’est donc pas le cocaine rap habituel. Une drogue, pourtant, s’est mêlée à l’histoire. La concoction expresse de cet enregistrement, s’est en effet effectuée dans les vapeurs épaisses de cette bonne vieille weed, consommée sans retenue par le rappeur et son producteur du jour, Party Supplies. C’est peut-être d’ailleurs bien la fumée du cannabis qui a valu à Blue Chips ce côté allumé, incontrôlé et spontané, et qui en fait, à ce jour, même si elle s’essouffle quelque peu sur la fin, l’une des mixtapes notables – non, l’une des chouettes sorties rap tout court – de l’année 2012.