Découvrir Tu Fawning en concert est une expérience étonnante. Quatre multi-instrumentistes imposent sans filet une musique ultra-percussive dominée par la voix de Corrina Repp qui semble jaillir d’une vieille TSF. Tribalité, mélange des genres, sens de l’humour incongru, on devine que le groupe centré sur le duo Repp-Joe Haege – courtesy of Menomena – ne s’apprivoise qu’avec application. Vrai et pas vrai : sur leur premier album globalement interrogatif, « Hearts on Hold », les presque évidents « Multiply A House » et « I Know You Now » dépassaient en intensité et mystère le cadre rigide d’une musique de laboratoire. Son successeur, « A Monument », tout aussi surprenant, est d’une séduction nettement moins aléatoire. Construction time again, comme dirait Depeche Mode : on assemble, on polit, on rabote, et on donne des coups. Siffler en travaillant, les nains de Blanche-Neige semblent devenus des géants : l’invraisemblable « Bones » qui brinquebale comme du Hot Chip avant de se déployer en afro-tropical et de se retirer en crooning lunaire.
Pas d’autre chimère aussi grosse sur « A Monument » mais de beaux fracassages : « Wager » qui imagine les Young Marble Giants repris par Broken Social Scene, « In the Center of Powder White » théâtral comme du Arcade Fire dépressif. Et Joe Haege orne le tuxedomoonien « To Break Into » d’une langueur fatiguée qui se finira en duo forcément plus tendu avec Repp. Ailleurs – partout – le groupe rejoint les deux compères pour reprendre en choeur les refrains (on se souvient de cette note de pochette tellement belle sur le premier Geraldine Fibbers : « Everybody sings backwards »). Quatre individus seulement, et du bien beau bruit, du Dada large, du Clare et ses déraisons (« Skin and Bone ») qui n’oubliera pas de polir pop ses diamants bruts (« Anchor », large comme des lendemains qui chantent). Tu Fawning est un régal pour palais démesurés.