Jocari est certainement le secret le mieux gardé du folk français ; comme une petite poignée d’auteurs aussi intéressants que discrets (Lauter,…), il continue avec « The Vanishing Grace » son chemin immuable, creuse son sillon avec patience. A un rythme assez lent, certes : son précédent album date de 2008 mais la métaphore du sillon, creusé à la main, ne s’en applique qu’aussi bien. Un folk décharné, dépouillé, comme échappé d’un tableau de Millet, à l’univers rural plus que bucolique – il n’y a qu’à lire les titres de cet album : des corbeaux, des vaches, des prairies (quand bien même un des titres nous emmène à Liverpool). Un folk qui prend son temps : Fabien Larvaron prend le parti (comme sur ses albums précédents) de la lenteur voire de la langueur, comme le groupe Spain l’avait fait en son temps. Un voyage immobile à la frontière entre le rêve revendiqué (« The Sleep Factory ») et une réalité bien ancrée dans la terre. Et le musicien accompagne ses titres d’ornements aussi discrets qu’élégants ; là une pedal-steel guitar (« Prairie Sounds »), ici une pointe orageuse d’électricité ou des cordes (« For Further Information »), assez fréquemment des chœurs qui viennent donner un peu de chair à la sécheresse des guitares acoustiques et à la voix grave et traînante. Et Larvaron prend le temps d’installer les ambiances, de donner à chacun de ses sillons la profondeur nécessaire : les six titres de cet album sont longs ; il faut prendre un peu de temps pour les faire siens, pour comprendre qu’au terme de cet hiver musical, des graines vont germer, que la vie plantée ici est prête à éclore, à s’épanouir et que Jocari, groupe des semailles, va un jour en récolter le fruit.
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