Dans la famille Brooklyn, je voudrais le fils. On connaissait le père, Sufjan Stevens, la mère Shara Worden (My Brightest Diamond) mais voilà que débarque Will Stratton, quasi-inconnu de ce côté-ci de l’Atlantique, mais qui pourrait bien faire figure d’héritier dans le jeu des 7 familles du folk/rock new-yorkais. Le jeune homme n’en est pas à son coup d’essai : « Post-Empire » est déjà son quatrième album, lui qui n’a que 25 ans. Et pourtant, la maturité d’un tel disque impressionne : la dextérité de son jeu de guitare, tout d’abord, fait d’arpèges élégants d’une indéniable virtuosité. Tout comme ses compositions d’ailleurs, de facture plutôt classique mais toujours limpides ; elles le situeraient dans la lignée d’un Paul Simon si les arrangements du jeune homme ne venait pas l’entraîner dans un autre univers. Car outre cette guitare agile (qui doit également beaucoup à Bert Jansch ou Nick Drake), Stratton bénéficie du talent de Sufjan Stevens (oui, encore lui) qui l’a pris sous son aile ; et on retrouve – par petites touches – les traces de l’auteur d’ « Illinoise » : chœurs féminins angéliques assez fréquents, arrangements de cordes inspirés, montées en puissance comme sur ce « You Divers », long morceau introductif qui finit sous le grondement de guitares électriques (plutôt rares sur ce disque essentiellement acoustique). La voix du jeune homme est sur un registre rêveur, sans une once d’agressivité, plutôt dans le registre de la contemplation (ce qui le rapproche d’autant plus de Paul Simon d’ailleurs).
Le folk de Will Stratton prend des petites touches de country (la technique de guitare), des éclats de rock, évolue entre classicisme (les textes font allusion à toutes sortes de mythologies) et modernité, évoque même la kora africaine tant le jeu de guitare est fluide (« Colt New Marine ») mais l’auteur s’ingénie aussi, en esthète, à ce que son disque soit le plus cohérent et gouteux possible : « Post-Empire » est un fruit rare et délicieux.