Chapelier Fou venait enfin se produire à Bordeaux, alors que ses nombreuses tournées ne l’avaient jamais amené jusqu’à la capitale girondine. Et c’est le chaleureux bateau i.Boat qui accueillait le messin, pour un concert visiblement attendu. Le musicien nous a, quelques heures avant, confié ses projets à venir et est revenu sur « Invisible » (avec force baillements après une nuit blanche), mais là, j’anticipe. Et vais donc reprendre le fil de la soirée…
Qui a donc été ouverte par The Hobart Phase, groupe dont je ne savais absolument rien avant ce set, d’une quarantaine de minutes. Des machines, pas beaucoup, des ordinateurs, et un pad sur lequel un des deux musiciens s’en donne à coeur joie. Et passé la première phase de découverte avec cette musique 100% synthétique, il ressort quelque chose de cette prestation. Une forme d’euphorie (un morceau complètement hystérique fait de samples de jeux Megadrive, la vieille console de jeux), un côté porno-chic, pas mal de rythmes syncopés, et des projections derrière eux, sur l’écran. Le tout est un peu foutraque donc, mais le résultat est franchement intéressant.
Visiblement, Chapelier Fou a pu dormir un peu avant le concert. Il est frais et dispos, et ça tombe bien : la salle s’est copieusement remplie, c’en est limite oppressant. Moi, je suis en première ligne pour prendre les quelques photos qui illustrent cet article, mais me retourner, c’est voir un mur humain compact en face de moi. On ne bouge pas, les gens, OK ? Heureusement, Louis Warynski hypnotise rapidement les foules, avec ce mélange toujours aussi unique, toujours aussi inspiré entre son violon et ses machines et claviers qui le font parfois disparaître. Le dernier album est très représenté, avec de purs moments hypnothiques : « Fritz Lang » a toujours ses tiroirs dans lesquels se perdre, l’enchaînement « Cyclope et Othello » / « Shunde’s Bronx » (donc l’inverse du disque) marche à plein, quand « Le Tricot » allège l’atmosphère avec son côté manège. Le Messin n’oublie pas ses titres plus anciens (« Darling, Darling, Darling » par exemple) et convoque même, par vidéo-conférence interposée (à moins que ce ne soit une vidéo enregistrée) Gérard Kudian, le complice de « Vessel and Arches ». Trésors stylistiques, générosité des mélodies, une présence toujours plus affirmée sur scène, Chapelier Fou est assez clairement passé à une autre dimension. L’explosif « Scandale ! » final achève de rendre le concert brillant, celui d’un artiste solide et qui sait où il va, sans y perdre sa spontanéité.