Vous, je ne sais pas, mais je préfèrerai toujours m’attacher à un disque par les impressions qu’il procure que par la réflexion qu’il m’inspire. Dans ce sens, j’avoue que « Ghostory » réussit son œuvre, tant il s’incruste dès la première écoute dans mon cerveau, pourtant sur le papier pas spécialement réceptif aux techno beats et autres résurgences eighties, et encore moins aux concepts fumeux (ici, c’est l’histoire d’une jeune fille, « Lafaye », et des fantômes qui hantent sa vie).
En elle-même, la défection d’une jumelle Deheza (Claudia) n’a pas affecté l’ADN du groupe (c’est scientifiquement logique, quand on y pense !), et s’y s’expriment toujours les génomes de la dream-pop et du shoegazing (« When You Sing » en meilleur exemple). Mais il s’avère aussi mutant, ou plutôt « augmenté », avec une présence plus prégnante des machines. La greffe cybernétique a plutôt bien pris, puisque la force hypnotique s’en trouve renforcée, d’autant que les compositions se veulent aussi plus immédiates. Difficile ainsi de ne pas céder face à la dynamique tubesque de « The Night », « Scavenger » ou « Lafaye », ou à la rythmique implacable et sombre de « Low Times » et « White Wind ».
Inévitablement, un tel gain en efficacité et en force se fait aussi au détriment de la sensibilité. Les fans de la première heure ne trouveront donc aucun morceau crève-cœur de la trempe de « Half Asleep » sur « Alpinisms« , et le chant d’Alejandra Deheza reste finalement (sans doute volontairement) plus proche de la précision clinique que de l’intensité émotionnelle. Même les instants de relâchement que sont « Reappear » et « Show Me Love » se révèlent plus sombres que touchants.
Néanmoins, force est de constater que l’ensemble « fonctionne », comme on dit. On parlera alors d’une mutation bien aboutie, tout en se disant qu’il ne faudrait pas aller beaucoup plus loin dans cette direction, sous peine de basculer vers une lourdeur pénalisante. D’autres s’y sont déjà cassé les dents…