Il aura fallu des années de travail et une levée de fonds (réussie chez nos amis de Microcultures) aux Havrais de Tokyo/Overtones pour sortir « The Underground Karaoke », confirmation certes tardive mais éclatante d’un talent indéniable.
L’éoute des dix titres installe un décor de nuit, un vaste périphérique baigné de lumières blafardes, sur lequel l’envie de se lancer à pleine vitesse est irrésistible. Du nerf, il y en a dans ce disque, dont l’énergie semble élastique, aller et venir comme une matière indépendante. Ce parfum de vitesse qui électrise l’auditeur, elle naît de l’ambition des cinq musiciens, qui se gardent bien de la jouer petits bras : ici, tout cogne, tout palpite, il n’y a pas de limitateur de vitesse. Le son du groupe est compact, riche. Les lignes rythmiques ont beau être souvent froides, c’est leur efficacité, leur puissance soutenue qui marquent et entretiennent cette urgence. Le soin porté aux arrangements, et même l’utilisation de cordes n’enrayent en rien la marche en avant du groupe. Le final époustouflant de « 30 Nerves », la grosse vague synthétique qui propulse « (Bipolar) Girl », la tension sous-jacente de « Haziel Killer » cohabitent cependant fort bien avec les moments plus calmes du disque. Douceur sur « Citizens of the World » (avec un extrait de Dexter au début ?) ou le tempo ralenti de « The Alpha Child », le faux plat de « Lemmings » montrent la capacité du groupe à alterner les ambiances, mais prouvent aussi que l’envie d’en remettre d’une couche n’est jamais loin, tant il est rare qu’un morceau termine comme il a commencé. Il y a toujours un moment où le groupe sort le son puissant et racé qui est sa force, comme sur le conclusif « Everything Happens in July » et sa torpeur mélancolique qui tourne à l’orage. Cet « Underground Karaoke » se termine sur ce dernier titre plein de virages, comme seuls ceux qui maîtrisent leur bolide savent le faire, avec souplesse et finesse. Un disque qui en a sous le moteur, et dirigé de main de maître.
Le webzine de la pop