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Soap & Skin – Narrow

Soap&Skin - Narrow

Sur la pochette de son second album, Anja Plaschg met son visage à nu. Regard frontal et sombre, lippe esquissant une moue hautaine, teint plutôt blafard, pas de maquillage. La pénombre, la choucroute gothique ont disparu. Avec la mort de son père survenue entre temps, la pose doloriste n’est plus de mise. La souffrance consubstantielle à sa musique s’affirme nettement, non sans atours mélodieux, et l’on frémit à l’idée de penser que le vélo démantelé que présente le verso pourrait être effectivement celui de son père après l’accident qui lui a coûté la vie.

Dans ce contexte on ne peut plus funèbre, comment expliquer l’étonnante douceur, presque insidieuse, de certaines ballades ? Premier morceau à avoir attiré mon attention, « Wonder » est une berceuse étonnante, portée par une boucle abritant le piano, la voix enfin un peu vulnérable d’Anja et des chœurs faits de voix amies juxtaposées. Le mystère le dispute à l’émotion. « Cradlesong » et « Lost » qui l’encadrent ne sont pas en reste de ce point de vue, ce trio minimal constituant le cœur tendre d’un disque qui sait se faire par ailleurs anguleux. Même « Vater », chanson de deuil explicite, offre un étonnant trouble bipolaire, de la douceur à la douleur, avant de se terminer dans un fracas de machines. Si « Deathmetal » ou « Big Hand Nails Down » frappent par la rigidité martiale des arrangements et l’autorité vocale, quasi dominatrice, de la jeune femme, qui ont tant marqué les esprits lors de la parution de son premier opus, ce ne sont pas les morceaux les plus séduisants. En gâterie un rien capricieuse, la reprise de « Voyage Voyage », chanson aussi populaire en Autriche que « Je t’aime moi non plus » en Angleterre, apparaît comme un beau désossage, moins séduisant vocalement que l’original (la voix de Claudie Fritsch-Mentrop, aka Desireless, ayant – eh oui – plus de couleurs), mais moins kitsch (les cordes remplaçant au mieux les claviers eighties).

Cet assemblage disparate constitue étrangement un ensemble cohérent, dû à sa brièveté autant qu’au soin de sa construction tout en alternance et en brisures. Le talent d’Anja Plaschg s’y exprime pleinement et humanise sa douleur.

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