Personnage gentiment décalé, typique de la tradition des grands excentriques de la pop anglaise, David Bramwell est un artiste complet et un homme bien occupé (acteur, écrivain, animateur radio et même professeur des écoles à mi-temps…). Le garçon confesse cependant une éternelle préférence pour ses activités musicales, et Oddfellow’s Casino reste le véhicule privilégié de sa nostalgie pour une Angleterre oubliée par le progrès, aux recoins poussiéreux et à l’humanité attachante. Débutée comme un projet solitaire dans la chambre de Bramwell il y a une dizaine d’années, la formation s’est peu à peu développée et enrichie pour atteindre aujourd’hui la plénitude d’un line-up stable et idéal, où cuivres, cordes et instruments à vents s’en donnent à cœur joie, au service des étranges histoires imaginées par le maître de maison. Entre le psychédélisme mouvant de Robert Wyatt ou Kevin Ayers et une maîtrise des silences héritée du Talk Talk de « Laughing Stock », ce troisième album produit par Andrew Phillips (Grasscut) est un rêve éveillé et divinement orchestré qui surclasse aisément une bonne partie de la production de ce début d’année, voire plus si affinités. Les compositions d’Oddfellow’s Casino, bâties à partir des motifs mélodiques entêtants dessinés par la voix et le piano de Bramwell, subjuguent sans cesse par leurs constructions un peu baroques, un peu siphonnées. A croire que Brian Wilson et ses mini-symphonies ont fait des émules jusqu’au fin fond du Sussex. Fâchées avec la raison, donc, mais certainement pas avec la grâce, les huit plages sensibles de ce « Raven’s Empire » touchent plus d’une fois au sublime et confirment le bon Dr Bramwell et sa troupe dans leurs rôles d’authentiques trésors cachés d’une scène musicale britannique lettrée, à l’originalité revendiquée.
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