La majesté de « Saint Bartlett« , précédent et neuvième album, nous avait donné de grands espoirs : pour Damien Jurado lui-même passé d’un persistant succès d’estime à une plus large audience, capable d’ouvrir ses compositions à une production qui en magnifiait le songwriting, et surtout pour la poursuite de sa collaboration à la production avec Richard Swift, responsable de cette maturation esthétique. « Maraqopa », écrit dans la foulée avec la même équipe, déçoit un peu sans mettre en danger l’artiste. De nouveau, on est frappé par l’ampleur sonore (l’introduction blues-rock bruitiste de « Nothing Is the News »), la délicatesse du travail des chœurs en contrepoint de la voix de Jurado qui parcourt toute la gamme, du soyeux au nasal (« Life Away from the Garden », « Working Titles »), les arrangements inventifs (multiples percussions, pureté des cordes, vibrations métalliques), et l’on ne peut que saluer la prestance de l’ensemble. Mais une certaine raideur mélodique se fait aussi jour qui rend les morceaux plus sagement linéaires qu’il ne le faudrait. Peu de morceaux semblent déployer réellement leurs intentions au-delà d’un idéal mélange d’écriture et d’habillage. Mais, quand cela arrive, c’est comme d’habitude un miracle qui éclipserait à lui seul la majeure partie de la production americana, à preuve « Working Titles » en gospel légèrement ivre, ou l’entre-deux doux-amer de « This Time Next Year » qu’une simple flûte vient transcender. Pour la beauté de ces gemmes, qui posent en pierres d’attente dans un jardin de plus en plus vaste, habité, ouvert aux vents, on serait bien mesquin de trouver à redire à ce joli disque.