L’Anglais (et non Gallois comme je le pensais sans raison particulière…) installé à Nancy a désormais la fibre francophile, si l’on en juge par sa grande tournée pour soutenir son album « The Broken Man », sorti en version physique il y a tout juste quelques semaines. En première partie, on retrouve Winter Family, le duo qui nous avait servi le très intrigant « Red Sugar« .
J’étais curieux de voir justement comment allait être reproduite sur scène l’atmosphère du disque, dont les climats et les changements de ton constituaient le principal charme. Eh bien, je n’ai pas été déçu : un orgue Hammond impressionnant, sur lequel est rivé Xavier Klaire et pour le soutenir, lui qui ne chante ni ne se tourne vers le public, il y a Ruth Rosenthal, dans son costume de cheerleader prude des années 50. Elle est impressionnante : placide, voire même glaciale, elle se contente de tapoter sa batterie avec une fausse nonchalance (parfois… jambes croisées !), et chante, ou parfois déclame, alternant passages les plus suaves avec des moments plus théâtraux, plus déclamés, qui accompagnenet les montées en tension des chansons. Il y a de tout : de la plus inoffensive chanson sifflotée, à la plus menaçante et impérieuse inflexion de voix.
Matt Elliott est quant à lui tout seul, avec un véritable arsenal de pédales à ses pieds. Il a sa guitare, dit bonjour, et déroule un long tunnel folk d’une grosse heure, où se mêlent superpositions de couches de sons et de voix, ambiances sombres et explorations du folklore slave avec des essences de flamenco. Le seul reproche que je ferai sur cette belle prestation, somme toute généreuse, est cette impression d’uniformité, un tout petit peu monotone, qui semble traverser le concert. Mais les beaux moments ne manquent pas : de l’ouverture sur « Dust, Flesh and Bones » à la reprise de « I Put a Spell on You », de ces montées en puissance pleines de noirceur avec des multiples couches sonores à ces retours à la simplicité de la formule de base guitare-voix, le concert est riche, dévoile un musicien à l’univers bien défini, où l’on prend plaisir à se laisser porter par cette vague noire, à la fois douce et menaçante.