C’est comme ça. On a beau se sentir sûr de ses sentiments, ceux-ci peuvent parfois insidieusement s’émousser. Dans ce cas là, rien de telle qu’une bonne petite claque pour se remettre les idées en place. La piqûre de rappel peut alors être douloureuse ou bienfaisante. Et c’est clairement vers la seconde option que penchent les Bats en délivrant ce délicieux « Free All the Monsters ». Et combien il est emblématique que ce soient ces vétérans qui nous montrent qu’on peut être présent, au bout de trente ans, toujours aussi verts, à la fois intacts et pourtant régénérés comme jamais.
Il y a bien sûr le plaisir de retrouver l’indéfinissable touche exotique qui caractérise ce son des Antipodes (qui me ramène à mes premières écoutes du « Submarine Bells » des Chills, il y a bien longtemps déjà) : effet d’une brise marine qui passe par la fenêtre entrouverte, texture de l’air insulaire salé par les embruns, complainte maorie au lointain… Ou peut-être simplement mon imagination qui travaillait, mais cette imagination-là me plaisait bien…
On peut aussi allègrement passer sur ce genre d’effet madeleine, et simplement réaliser qu’il y a donc encore de la place pour envoyer ainsi douze titres synthétisant parfaitement une certaine idée de la pop « ligne claire ». Difficile alors de les dissocier dans les éloges, entre une permanente excellence mélodique (allez, la palme au morceau titre), une section rythmique mariant idéalement rondeur et fermeté, et des arrangements régulièrement judicieux. Avec pour autre constante d’irradier une prenante mélancolie douce amère (« Canopy »), mais souvent contrebalancée par quelques arpèges ensoleillés (exquise guitare ascensionnelle sur « When the Day Comes », final subtilement cuivré sur « Long Halls »), un rythme plus enjoué (« Simpletons », « Spacejunk »), ou des chœurs soudain radieux (« Fingers of Dawn »). Autant de raisons pour résumer cet album en un seul mot : « irradieux ».