Il en aura fallu du temps pour que le ferry pour Ouistreham vienne apporter ses effluves pop jusqu’en Basse-Normandie. Mais il semblerait que depuis quelques années, les embruns musicaux commencent à avoir des effets durables, avec des groupes comme Gablé ou les bien sympathiques Concrete Knives. Ou encore le groupe All Cannibals qui s’attaque de front, avec enthousiasme et sans arrière-pensées, à quelques pans de la musique d’outre-Manche.
C’est un fait, sur « Black Shark Shake-A-Lake », on retrouve pas mal d’ingrédients utilisés par la musique britannique depuis une quarantaine d’années à commencer par des mélodies bien troussées (« Friendly Young Cannibals », …) et un sens de l’immédiateté qui fait parfois défaut de ce côté-ci du Channel. Des titres comme « The Lady Vanishes » peuvent même évoquer l’aspect ludique et inventif d’un Paul McCartney dans les meilleurs moments de sa carrière solo (de « Ram » à The Fireman). Des chansons pop, certes, mais colorées par un dilettantisme affiché, véhiculé par la voix indolente et rieuse d’Emmanuel Dupont (notamment sur le fort sympathique et délicieusement chaloupé « The Choir »). Mais All Cannibals s’offre aussi quelques moments de frénésie (« Riding With Death », …) voire quelques morceaux franchement punk (« Underwater Surfing Thoughts ») ; le riff electro de « The Summer and the Chapel » fait même un clin d’oeil appuyé au « Magnificent Seven » de Clash. Mentionnons aussi « Joe » qui irait lui plutôt pêcher ses influences dans la lignée de Fools Gold ou « High on the Past » agrémenté d’un formidable riff de guitare échappé d’un western spaghetti un peu rock. Bref, All Cannibals ne s’embarrasse pas de questions métaphysiques : à coups d’aplats de synthés, de guitares qui grondent d’un coup et surtout d’énergie positive, ils nous concoctent un album finalement plus cohérent qu’on ne pourrait le penser. Pas forcément révolutionnaire mais diablement sympathique, « Black Shark Shake-A-Lake », album de malicieux anthropophages, a vraiment de quoi mettre en appétit !