Ane Brun n’est plus une inconnue depuis quelques années déjà. Que vous l’ayez découverte sur l’un de ses 3 premiers albums originaux, en duo avec Madrugada ou Ron Sexmith, ou reprenant le « True Color » de Cindy Lauper pour le spot d’une compagnie d’assurances, nul doute que la voix à la fois vibrante et fragile de la blonde Norvégienne ne vous est pas étrangère. Après avoir accompagné Peter Gabriel en 2010 lors du New Blood Tour, elle nous revient donc en 2011 avec cette nouvelle production, « It All Starts With One ».
Moins folk et blues que les précédents, mais bénéficiant toujours d’une orchestration impeccable, cet album est une collection de titres plus ambitieux les uns que les autres. Et en cela, il semble bien que la jeune femme ait passé un palier. Car malgré tous les honneurs dont elle a été gratifiée ces dernières années, il manquait toujours ce petit quelque chose qui suscite à la fois l’admiration et la fascination. C’est à ce petit supplément… d’âme ? de génie ? d’accomplissement peut-être, que la Norvégienne vient d’accéder et qui font de son 4e opus un véritable chef d’oeuvre.
Tout commence par « These Days » et son introduction à l’orgue qui pose d’emblée l’ambiance solennelle et terriblement émouvante qui se retrouvera sur quasiment tous les titres. Le morceau traite de l’enfermement et le besoin de liberté, thèmes que l’on retrouvera continuellement par la suite. Vient ensuite « Words » dont la douceur vous prend par la main, ses cordes comme une brise qui vous emporte dans un voyage fantastique au-dessus des lumières de la ville…
C’est alors au tour du (très) grand moment de « It All Starts With One » : « Worship ». D’une certaine manière, c’est avec ce morceau interprété en duo avec José González que tout commence réellement. Clé somptueuse ouvrant à la découverte des 9 autres morceaux de l’album, ces 6 minutes sont la rencontre parfaite de deux univers musicaux singuliers et complémentaires. Un couplet marqué par la fascinante monochromie du Suédois se fait l’écrin d’un refrain symbole de la générosité vocale et mélodique de la Norvégienne. Délicieux équilibre à déguster en boucle, encore et toujours…
« Do You Remember » apparaît alors comme un certain retour à la réalité (mais quelle réalité ?). Avec ses percussions entêtantes et ses choeurs vaporeux interprétés par les jeunettes de First Aid Kit, cette intrigante gigue dénote dans cet album par ailleurs plutôt apaisée. Le morceau aura pourtant été choisi comme premier single par l’artiste. « What’s Happening With You And Him » qui s’annonce ensuite est marqué d’un certain classicisme « brunien », peut-être en réponse à son prédécesseur, exprimant ainsi la recherche d’équilibre présente sur l’ensemble de ce 4e opus.
Mi-comptine, mi-berceuse, « Lifeline » met à l’honneur le timbre cristallin de la jeune femme. Instant de grâce absolue, il trace une ligne directe entre sa mélodie et notre système nerveux, provoquant frissons et chair de poule ! « The Light From One »et « One » sont eux deux morceaux jumeaux : titres manifestes, ils revendiquent chacun dans leurs paroles un besoin impérieux d’émancipation (« I need both my hands to hold my own [torch] » ou bien encore « We can do more / Much more, let’s do more »). Comme si Ane cherchait à s’affranchir d’un carcan pour accéder enfin à une plus grande liberté artistique. Peut-être peut-on y trouver l’expression de la démarche de l’artiste qui aura permis l’accouchement de ce quatrième album qui sonne aujourd’hui comme un véritable accomplissement…
« Oh Love » est une belle chanson d’amour mais peut-être également le titre le plus faible des dix. Tout se termine enfin sur le superbe « Undertow ». Superbe mais qui d’une certaine manière sonne comme un aveu d’échec puisqu’il dit l’incapacité à s’extraire du mouvement perpétuel de la vie qui nous enferme et nous empêche de nous élever vers un état supérieur de plénitude. L’émancipation décrite plus tôt n’est donc peut-être pas totale, ou tout du moins, le souvenir de l’aliénation passée est lui toujours bien présent. Souvenir qu’il faut combattre pour ne pas retomber dans un certain état de servitude.
Les dix titres de « It All Starts With One » marqueront certainement une étape dans la carrière de la Norvégienne. Pas seulement parce qu’ils lui permettront d’accéder à une reconnaissance plus large encore que celle apportée par ses précédentes oeuvres, mais également parce qu’ils expriment la mue nécessaire par laquelle Ane Brun aura dû passer pour devenir aujourd’hui une artiste majeure.