Que c’est simple, que c’est limpide : L, en voilà un nom de scène mystérieux et sibyllin. L est une elle, c’est Raphaële Lannadère, jeune femme qui n’est plus tout à fait une débutante, mais dont on aurait d’ailleurs du mal à dater la musique. Ici, le carbone 14 ne fonctionne pas : elle est d’aujourd’hui et d’avant, le coeur empli de traditions mais les collaborateurs ancrés dans le présent.
Entourés de ses compères Babx, Donia Berriri au piano et Julien Lefèvre, on sent la jeune femme à l’aise dans un univers empreint de ses sensibilités acquises au fil du temps. Son parcours riche (des reprises de Barbara à Brel, une longue expérience dans la musique lusophone, avant un premier EP personnel en 2008) a en effet forgé le caractère et les certitudes de L, qui passe avec grâce d’un style à un autre, tout en restant fidèle à une idée de la chanson française luxuriante, qui s’épanouit partout, dans ses recoins les plus sombres comme les espaces les plus ouverts. Elle ne se laisse pourtant jamais écraser par les univers qu’elle dépeint : l’intime sied aussi bien que l’exubérance, certes maîtrisée, dont elle fait parfois preuve. Les mots témoignent de cette confiance légitime dans sa musique : textes fins, ne cherchant jamais les effets de style mais au contraire allant au plus juste, chant en retenue qui se drape d’une séduction timide sont des atouts portés avec bienveillance par les audaces stylistiques.
La veine « chanson classique » s’enrichit en effet d’influences jazz (« Mes lèvres », « Je fume ») aux instrumentations richement imagées, fait place à des rythmes plus pop mais fort sombres, comme sur « Romance et série noire » ou « Jalouse », avant d’oser des rythmes plus surprenants encore sur « Pareil » (petite ligne de guitare, rythmique très présente). Mais c’est en jouant sur les contrastes que Raphaële Lannadère se révèle la plus douée : cordes pincées, cordes savamment distillées, montées soigneusement dosées font de « Initiale », « Mescaline », « Château rouge » des morceaux au charme magnifique, discret et pourtant bien présent. L est une lettre qui peut cacher bien des choses, mais sans nul doute, lumineux est le qualificatif qui sied le mieux à « Initiale », disque qui je l’espère en appellera d’autres.