A l’origine de « We Are Rising », il y a le drôle de défi proposé à Ryan Lott, tête pensante du projet Son Lux, par la station de radio NPR dans le cadre de son RPM Challenge : composer et enregistrer l’intégralité d’un album dans un délai de 28 jours, pas un de plus. D’où notre surprise à l’écoute du résultat final : le deuxième long format de l’Américain (dont le premier disque avait mis trois longues années à prendre forme) est une construction fastueuse et complexe dont la réalisation semble être l’aboutissement d’un travail patient et méticuleux.
On est ici en présence d’un cas plutôt isolé en ces temps de frilosité créative : un artiste qui, sans jamais se fourvoyer, trace pour la pop moderne de nouvelles voies à suivre vers un futur radieux. Le pensionnaire du label Anticon (qui assure de nouveau son rôle d’indispensable pourvoyeur de disques réellement novateurs) célèbre les noces imaginaires de la chamber pop la plus ambitieuse et de l’électronique la plus radicale.
Le fascinant hybride né de ces amours a priori contre-nature peut au premier abord prendre des allures de forteresse imprenable. Mais une fois mis de côté nos réflexes conservateurs, impossible de rester insensible à cette courageuse tentative de rénovation des musiques actuelles. Son Lux peut même s’enorgueillir de triompher là où l’immense Sufjan Stevens a peut être eu tendance à s’égarer ces dernières années (« All the Right Things », LA grande chanson qui faisait cruellement défaut à l’inégal « The Age of Adz »).
Dans son studio aux allures de laboratoire musical, le savant Ryan Lott orchestre un bouillonnant télescopage de matériaux hétéroclites. Dans un mélange insensé de beats quasi hip-hop et de cordes classiques, tradition et modernité entretiennent ici un passionnant dialogue, dans lequel s’invitent par ailleurs les vocaux éthérés de Shara Worden de My Brightest Diamond (sur l’obsédant « Leave the Riches ») ou DM Stith. Mais c’est avant tout le chant du maître des lieux qui fait forte impression : délicatement voilé et mélancolique, il se rapproche à l’occasion de celui de Paul Carter, leader des trop rares Flotation Toy Warning.
On n’ose imaginer ce qu’il serait advenu de cette surprenante œuvre d’art moderne si son auteur n’avait dû se plier à de telles contraintes temporelles, tant chacun des neuf titres qui la composent fourmille de mille et unetrouvailles sonores. « We Are Rising » est un album à la séduction lente mais irrémédiable, qui propulse déjà son créateur dans le cercle très fermé des inventeurs de la musique pop de demain.