Si leurs voisins suédois ont depuis bien longtemps abandonné leurs complexes vis à vis de la toute puissante scène britannique, les groupes pop norvégiens semblaient jusqu’ici avoir beaucoup plus de difficultés à franchir le cap d’une notoriété limitée à l’échelle locale. Un ordre établi que pourrait aujourd’hui venir bouleverser la révélation de Cold Mailman, quatuor découvert l’année dernière avec un single dont on n’a depuis jamais pu se séparer, « Pull Yourself Together and Fall in Love with Me ». Une composition tellement parfaite qu’elle semblait constituer une sorte d’idéal pour tous les cœurs d’artichaut convaincus qu’une pop song vraiment réussie doit forcément inviter à un certain vague à l’âme.
De mélancolie, il en sera question tout au long de ce premier album qui, lentement mais sûrement, convertit un public de plus en plus large, bien au delà des frontières scandinaves. Il faut dire que le groupe ne fait pas les choses à moitié lorsqu’il s’agit de séduire l’internaute mélomane en quête de découverte. Notre deuxième rencontre avec Cold Mailman fut ainsi autant visuelle que musicale : le clip du single « Time Is of the Essence », d’une beauté et d’une inventivité désarmantes, est l’une des créations les plus réjouissantes qu’il nous ait été donné de voir depuis bien longtemps. Une mise en image magnifique pour un titre à la mélodie éblouissante, digne des plus belles réussites de Gravenhurst. Ivar Bowitz, formidable parolier, semble y porter un regard lucide sur le caractère très référencé de sa musique : « I’m Lee Ranaldo and I’m Thurston Moore, I am the stranger that lurks at your door, and I guarantee that wherever we go, I’ve been there before ».
Cold Mailman évolue en effet en territoire connu, voire un peu trop balisé pour les amateurs de prise de risque incontrôlée. Mais tout est ici pensé et réalisé avec tellement de talent et de modestie (ces notes délicates de Fender Rhodes renvoyant à The Album Leaf, autre apôtre d’une pop à la mélancolie obsédante, ces chœurs féminins à la Belle & Sebastian) que l’on ne verse jamais dans le simple étalage d’influences mal digérées. Réussir à exister dans le flot ininterrompu de révélations indie pop tient aujourd’hui du miracle. Mais avec une aussi belle carte de visite que « Relax ; the Mountain Will Come to You », on ne voit pas comment ce groupe, au potentiel affectif évident, pourrait ne pas prétendre un jour à la reconnaissance internationale qu’il mérite.