Encore auréolé de l’insondable « Lone Gunman », tu débarques, Jeff, avec ce titre d’album en forme de doigt d’honneur, et le turbo enclenché sur un tiers des morceaux. J’ai cru à l’album pop, celui de la continuité soft – argggh… Et la lenteur, bordel ! m’écriai-je, reconnaissant partout les formules du maître sans d’abord en éprouver la beauté, y soupçonnant un peu de facilité et de redite aseptisée. Mais Idaho, qu’on se le dise, est un groupe prolifique, et un artiste qui peaufine son art avec application, persévérance et régularité. Certes, voilà six ans que le Californien, quasiment seul maintenant, n’avait rien sorti, et le talent caméléon de Jeff Martin, qui a vraiment le nom de monsieur tout-le-monde, reste bien planqué derrière plusieurs barricades – sa discrétion, sa lenteur, mais aussi le recyclage apparent de formules déjà entendues – au moins chez lui -, ou le passage par une variété de styles qui lorgne parfois sans vergogne du côté de la pop (donc) sur « Up the Hill », du folk (« The Setting Sun ») voire du rock (« Space Between ») – à l’instar d’un Mark Linkous, autre adepte de la lenteur qui faisait régulièrement un détour vers un son plus débraillé pour mieux se re-concentrer sur le « new loud ».
Tous ces artifices ne sauraient, au delà de quelques écoutes, tromper sur la marchandise et laisser croire à une contrefaçon : Idaho sort à nouveau le grand jeu, et un superbe album de plus ; même si quelques pas de côté nous sortent de la torpeur, les boucles, entêtantes, hypnotisent comme le ressac, dont l’écume serait seulement altérée par un clapotis de voix tremblée, ou quelque frisson de guitare aux contours estompés – sur « Flames », le sommet de l’album, on en reste pétrifié. Parfois c’est un peu plus anodin, mais Martin apparaît plus que jamais comme maître de son art ; à cet égard, « The Setting Sun » est exemplaire : contaminée par des notes de piano cristallines et éparses – une quasi-constante complètement intégrée au vocabulaire d’Idaho désormais – cette ballade tranquille se mue progressivement en un long bruissement à fleur de peau – renversant.