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Disques

Patrick Wolf – Lupercalia

Patrick Wolf - Lupercalia

Ses tourments filiaux évacués avec « The Bachelor« , Patrick Wolf, poète auto-proclamé, chante non le héros mais le sujet le plus rebattu de la musique pop, l’Amour… feuilleton casse-pipe développé en trois actes hyper-balisés : rencontre cathartique, irréelle, flamboyante avec une altérité dont nous fantasmions la venue ; expulsion soudaine et précoce du paradis, apprentissage de la solitude ; nostalgie de la perte, sérieusement entretenue comme une feuille dans un herbier avant un ultime retour au foyer. Comme la chronique astrologique d’Elisabeth Tessier, l’album apparaît, selon l’humeur, désespérément grotesque ou intriguant de justesse. Encore faut-il avancer prudemment : le premier acte notamment exige un nécessaire effort d’imagination pour se rappeler, si besoin était, à quel point une certaine grandiloquence des sentiments est le lit (ou la lie pour d’autres) de toute romance qui débute, s’effondre et brûle de nouveau.

Cette exubérance pourra en gêner beaucoup tant Wolf s’attache à décrire dans les très grandes largeurs le mélange d’invincibilité et de peur, d’exaltation et de fébrilité, présidant à toute rencontre sérieuse (Wolf, lui, dirait « cosmique »), n’hésitant pas une seconde à chanter la fidélité perpétuelle et contractuelle, la prééminence du couple sur la vie sociale, la capacité de l’amour à sauver les âmes brisées, la valeur ajoutée du gigot familial le dimanche midi, etc. Aucun cliché ne nous est épargné et Wolf convoque tout l’arsenal du romantisme le plus exacerbé pour dramatiser à outrance des sentiments et des sensations somme toute assez banals (« House »). « Lupercalia » peut ainsi se comprendre comme un mélodrame à grosses ficelles, lacrymal à souhait, plein de bruit et de portes qui claquent, sorte de Rimbaud-Verlaine à l’heure des dragues Facebook, album attentif, donc, aux règles du genre. Sa démarche est en cela assez proche de celle de Bright Eyes sur le magnifique « I’m Wide Awake », la pudeur en moins, puisque chez Wolf tout est matière à confession.

Le paradoxe est qu’on ne peut par conséquent prendre toute cette affaire au sérieux, alors même que le musicien réaffirme sa gravité d’artiste d’avant-garde, la noble ambition de ses sujets… Assumer ce courrier du cœur avec panache reste encore la meilleure façon de le résoudre, d’autant que le reste de l’album démontre une certaine retenue à laquelle le musicien ne nous avait guère préparés.
Wolf propose un enchaînement cohérent que viennent couronner un entrain communicatif (la cruelle « Time of My Life »), une orchestration talentueuse (« The Days », superbe…) et des performances vocales saisissantes (« Slow Motion »). Quel dommage que certaines compositions, à l’image de « Together » ou de la très laide « The Falcons » soient aussi serviles, Wolf y montrant une dangereuse tendance à l’auto-parodie. Lumineux, puissant, ringard, fragile tout à la fois, oscillant entre l’embarrassant et l’exaltant, « Lupercalia » a le défaut d’être le cadet plutôt que le successeur de « The Bachelor », une solide variation plutôt qu’une révolution. Enfin, d’un point de vue strictement carriériste, Wolf, trop sophistiqué pour le marché pop de masse auquel le Britannique aspirait depuis 2005, pas assez dans le coup pour recueillir le soutien des médias influents de l’industrie, semble condamné à demeurer ce génie précoce éclos trop tard sur une scène désormais saturée d’ambiguïté sexuelle et de théâtralité, principaux atouts esthétiques du jeune homme.

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