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Disques

Cass McCombs – Wit’s End

Cass McCombs - Wit's EndUn ami ayant reproché à nos chroniques de gloser sur tout sauf les disques, et de ne présenter qu’un avis évasif par surcroît (mais se peut-il d’abord que nous en ayons un ?), nous allons battre notre coulpe avec l’un des plus beaux qui nous aient été donnés d’entendre récemment. Un non-mot d’abord sur son auteur, Cass McCombs, que nous découvrons, le hasard, le destin ou la divinité ne nous ayant jamais introduit à ses productions précédentes. Nous voici donc comme une page blanche devant « Wit’s End » ; nous n’allons pas le rester.

De tous les albums à titrage pair, ceux à huit pistes sont souvent les plus ovoïdes et pleins, comme « Astral Weeks » ou « Pornography ». C’est quasiment le cas pour « Wit’s End », tout du long suave, lent, miséricordieux. Seul l’inaugural « County Line », par ailleurs plaisant, ose un piano électrique à la sonorité west-coast assez régressive. Guitare folk, batterie brossée, basse doucement électrique forment l’ossature d’un son clair mais rêveur, propice aux taches de couleur (piano, clarinette). La voix splendide de McCombs, pareillement claire, se tord parfois en un vibrato étouffé sur les fins de syllabes. Ces touches concourent à ce flou dans les marges qui fait de « Wit’s end », un album moins facile qu’il n’y paraît. Les chansons se méritent – aucune ne prend votre mémoire en otage, à l’exception de « Lonely Doll », comptine d’un Barrett apaisé qui tourne sur elle-même comme une figurine de boîte à musique. Bien plutôt, elles se cachent, se moirent, se figent à l’image de « Hermit’s Cave » tout en reprises, déhanchés ralentis, coups de caisse claquée. Un psychédélisme souterrain habite ce disque riche en codas exténuées (« A Knock Upon the door », « Memory Stain » et son refrain si beau de bébé ébroué au sortir du bain). On pense  au « Rise Above » du grand Epic Soundtracks (« Saturday Song »), à Elliott Smith qui aimait lui aussi les valses tristes (« Pleasant Shadow Song »), à Mark Kozelek et Nick Drake pour ce timbre à l’inconscience funambule de soi. Et si les Nits de « Ting » avaient congédié la pop pour se couvrir de cendres tièdes, « Wit’s End » serait peut-être hollandais.

L’infime mais réelle distance qu’il impose à ses auditeurs en fait un disque secret, à éclosion perpétuelle, toujours comme neuf. On aura beau jeu de lui reprocher  de ne pas se donner assez. Sa réserve sera maintenant et pour longtemps le gage de notre dévotion et de notre curiosité. 

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