Deux générations de chanteuses à hormones ensorcelées serrent les fesses : Kate Bush, leur marraine internationale, est de retour. Hosannah ou non ?
« Director’s Cut » revisite deux de ses albums les plus sous-estimés : « The Sensual World » et « The Red Shoes » qu’elle ré-enregistre pour partie, triture, étire, ralentit. Alors, restauration de la chapelle Sixtine ou toilettage canin ? Euh, un peu des deux. Dire que les puristes ont longtemps renâclé devant les arrangements prog-new-wave de ces beaux disques sans voir que leur aspect celtico-synthétique en faisait le charme assez unique, et bien évaporé dans l’artéfact porté à notre lasse connaissance ces jours-ci… La voix signalétique de Renarde à la Jennifer Jones s’est assagie dans les débordements aigus et n’est parfois qu’à deux doigts du chevrotement. « Flower of the Mountain », anciennement titrée « Sensual World », restaure le monologue de Molly Bloom qu’une tracasserie juridique avait empêché d’emprunter à Joyce, et perd bizarrement toute sensualité. Le sublime « Deeper Understanding », l’une de ses plus belles chansons, est affublé d’un refrain à l’autotune discordant comme une casserole, qui donne envie de retourner à l’original, malgré une outro jazouille soft assez réussie. C’est en fait le cas pour toutes les chansons de « Director’s Cut » à quelques exceptions : « `Rubberband Girl » perverti en boogie molasse que ne désavouerait pas Liz Phair, et, mettons, « The Red Shoes » repassé à l’amidon. A l’inverse de l’immortel Monsieur Plus d’un fameux biscuitier, Kate Bush joue ici à la Madame Moins comme si cette amorce toute relative de jansénisme devait lui faciliter l’obtention d’une carte Vermeil. D’où les napperons givrés de « This Woman’s Work » et « Moments of Pleasure » qu’on s’est fait un devoir de n’écouter en entier qu’à la ménopause.
Soyons peiné de trouver cette entreprise facultative, révisionniste et, pour tout dire, l’exact contraire du perfectionnisme qu’a longtemps incarné la chanteuse de « Babooshka ». A ce ravalement de façade middle-of-the-road, préférons les décombres folles et fumantes de son disque le plus hirsute, « The Dreaming », que jamais aucun remake-remodel ne rendra pleinement présentable.